Ce fameux film de Richard Attenborough, s'il fut couvert
d'Oscars, laisse un peu sur sa faim. Certes il retrace les grands traits de la
vie de Gandhi, certes Ben Kingsley est remarquable dans le rôle-titre, certes
le message sur la non-violence, sur la dignité d'un individu et d'un peuple
sont remarquables. Mais, derrière l'hagiographie – qui ne laisse guère de place
pour un regard critique sur Gandhi – il ressort bien peu de choses en
définitive : à se fixer uniquement sur Gandhi, on ne comprend pas tout ce qui
se passe de ce moment clé de la décolonisation de l'Inde.
Gandhi nous dit qu'un jour les Anglais comprendront qu’ils
ne sont pas chez eux en Inde et qu’alors, ils partiront. Et un jour,
effectivement, ils partent. Mais on ne comprend pas ce revirement chez les
Anglais qui, finalement, acceptent de partir. On aurait voulu voir, à l'image,
en scrutant des visages, des atmosphères ou des silences, en montrant la
dissonance entre l'Anglais et l'Indou, ce qui se passe chez les Anglais, ce qui
les convainc, ce qui les convertit. Mais Attenborough ne s’intéresse pas vraiment
à autre chose que son personnage, sur lequel il reste fixé en permanence et qui n’est même pas
un prétexte (à l’exploration de l’Inde, à la décolonisation, à comprendre les rapports
humains, etc.) : il n’en a que pour Gandhi.
Et, à ce manque sur l’attitude anglaise, répond un autre manque,
tout aussi fondamental, et qui montre combien Attenborough ne fait qu’effleurer son
sujet : en début de film, Gandhi, avocat fraichement sorti de l'université de
Cambridge, découvre le violent racisme de l'Afrique du Sud. Et il se bat pour la justice mais s'il le fait, c'est en tant que citoyen britannique, puisque, pour Indien qu'il
puisse être, il n'en est pas moins sujet de Sa Majesté et a donc les mêmes
droits. Or, quand il retourne en Inde, Gandhi ne se considère plus comme
citoyen anglais mais il lutte pour l'indépendance de son pays, déclarant que
les Anglais sont étrangers. Ce changement de perspective, que l’on ne comprend
guère, aurait été passionnant à suivre, puisqu’il est le miroir du trajet que devront
parcourir les Anglais.
On se souvient que, dans La Croisée des destins,
le personnage joué par Ava Gardner incarnait l'Inde, avec ses
contradictions et ses tiraillements ; ici Gandhi ne représente rien
d'autre que Gandhi.
On préfère l’angle de vue que choisit Attenborough dans Cry Freedom, où le personnage central du martyr – Steve Biko –
laisse la place au journaliste qui va utiliser cette figure pour dénoncer
l’apartheid.
Quand à Ben Kingsley, si sa performance est mémorable, on le
redira une nouvelle fois : le mimétisme n'est jamais, pour un acteur, une si
grande performance. Imiter un personnage existant, même parfaitement, est
toujours plus simple que de le créer.
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