mardi 14 septembre 2021

L'Opéra de quat'sous (Die Dreigroschenoper de G. W. Pabst, 1931)

 

Très grand film (1) de G.W. Pabst, dont la maîtrise et l’humeur très sombre envahissent chaque plan. La rigueur absolue de la construction se manifeste à chaque instant, avec des plans nets et très travaillés, avec des mouvements de caméra précis et envoûtants, avec des jeux de changements d’angles de vue perturbants, avec des contrastes tout en clairs-obscurs.
La noirceur du film s’exprime aussi bien dans cette mise en scène très formelle que dans l’histoire elle-même, qui nous fait naviguer de la pègre aux loqueteux, en passant par des policiers corrompus ou des prostituées. Aucune onde positive ne traverse l’écran : il n’y a ici que des renvois aliénants d’un monde obscur, noir, qui est comme une face cachée du monde apparaissant au cœur du plan. Les décors emplis d’ombre, d’entrepôts, de caves ou de cellules aux barreaux lourds façonnent une atmosphère où même un repas de mariage devient une farce grotesque, avec cet étalage d’objets volés et de victuailles. Et l’on pense à Stroheim devant cette bande de voleurs patibulaires qui s’esclaffent.

La morale, évidemment, est lapidaire : la pègre, l’autorité la plus corrompue et le capitalisme le plus sauvage sauront s’allier pour profiter des pauvres et les écraser.
Et, bien entendu, enveloppant tout cet attirail étrange et sombre d’une humeur triste, les chansons que Pabst essaime ici et là – à la fois comme des apartés et comme une sorte de commentaire off – achèvent de donner une noirceur terrible au film, tant le cinéma ne nous a pas habitués à des musicals sombres et cyniques
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(1) : Nous parlons ici de la version allemande, sachant que le film a été tourné simultanément dans une version française, moins happante et à l'humeur un peu différente.


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