Étonnant film
que ce vaste récit d’anticipation mené de main de maître par Fritz Lang. Après
une première partie qui tient surtout du roman-feuilleton et du film
d’espionnage, c’est bien sûr le voyage vers la Lune que l’on regarde avec
intérêt aujourd’hui, d’autant plus que, à la différence des rêveries poétiques de
Méliès, Lang a l’ambition d’un grand réalisme scientifique. On admire, entre
autres moments, le soin apporté à l’épisode du lancement de la fusée (avec le
pas de tir) ou encore les trucages montrant la manière de boire en apesanteur,
qui annonce rien de moins qu’Hergé. Hergé qui, dans son fameux diptyque,
s’inspirera à de nombreuses reprises du film de Lang, depuis des détails ou des
noms – Wolf, l’ingénieur félon qui se sacrifiera – jusqu’à des séquences
entières.
Bien sûr Lang ne
s’arrête pas à une illustration scientifique et il montre les âmes humaines à
l’œuvre. Et, avec beaucoup de cohérence, il présente la Lune de façon très
dépouillée, presque abstraite. C’est qu’il s’agit d’un lieu, pour lui, où l’âme
humaine, de façon plus pure que sur Terre, s’y trouve mise à nu : on
comprend alors que s’y expriment aussitôt, et avec plus de violence encore, les
passions viles et négatives qui détruisent l’homme (la cupidité, la jalousie, la
lâcheté, etc.). On découvre alors, dans les dernières séquences où le réalisme
scientifique est un peu oublié (on respire un peu trop aisément sur la Lune…), une
âme humaine exacerbée vers le très-bas (avec déjà des meurtres) ou vers le
très-haut, avec le sacrifice de Wolf.
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