Film
au parfum de scandale et au succès immédiat, Un Tramway nommé Désir est un gros pavé de modernité jeté dans le
Hollywood ronronnant des années cinquante. Cette adaptation de la pièce de
Tennessee Williams respire la provocation, avec son immoralité, sa violence, sa
décadence. Il fallut d’ailleurs adapter la pièce pour en enlever quelques traits
qui ne pouvaient être tolérés dans un film (l’homosexualité du mari de Blanche,
le viol final qui n’est que suggéré) et rajouter une morale acceptable (Stella
qui part, punissant ainsi Stanley, ce qui n’avait pas lieu dans la pièce). Les
censeurs imposeront malgré tout quelques coupures, le code Hays s’affolant
devant un tel film.
Si,
à la sortie du film, Vivien Leigh est la seule star (et sa présence renvoie
très habilement, dans l’imaginaire du spectateur, à une Scarlett O’Hara
déclassée), c’est bien sûr l’explosion en plein cadre de Marlon Brando qui est
le cœur du film. Hollywood, avec sa retenue, ses codes, son cadre moral, son
héritage théâtral semble tout à coup complètement dépassé par ce jeu violent,
incroyablement franc, pulsionnel, concentré de testostérone sans retenue. On
retrouvera, au féminin, la même déflagration cinq ans plus tard avec B. B. dans
Et Dieu… créa la femme.
L’exhibition
de la plastique de Brando joue autant que son expression en elle-même : le
jeu d’acteur entre dans une ère nouvelle (celle de l’Actor’s Studio, dont
Brando est la figure de proue) et l’acteur devient aussitôt la référence
absolue des jeunes James Dean, Jack Nicholson, Robert De Niro et autres Al
Pacino. Le jeu plus superficiel et surfait du passé (celui de Cary Grant, Humphrey Bogart et
autre Kirk Douglas) prend aussitôt un coup de vieux.
Mais
il faut dire que le film, du fait de la performance de Brando, détourne l’attention
du sujet principal de Tennessee Williams, à savoir la trajectoire de Blanche,
femme qui se perd et devient folle. Déclassée et perdue, Blanche semble
incarner un combat entre un ça pulsionnel et volontiers nymphomane et un surmoi
de raffinement et de préciosité. Cette oscillation débouche sur une
schizophrénie qui l’étreint peu à peu. Et c’est le coup final du viol par
Stanley, mâle alpha brut et pulsionnel, qui la font basculer définitivement
dans la folie.
Derrière
Vivien Leigh et Brando, les seconds rôles sont très bien tenus, avec notamment
le très grand Karl Malden, l’un des meilleurs acteurs de seconds rôles
d’Hollywood.
Et
Elia Kazan transpose l'humeur de la pièce à l’écran, captant parfaitement l’antagonisme
entre ses personnages, et il parvient à recréer – dans cet appartement aux
pièces contiguës et à l’ambiance moite – un cadre où se développent la tension,
les mensonges, l’attirance et la haine.
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