mardi 19 septembre 2023

Un tramway nommé Désir (A Streecar Named Desire de E. Kazan, 1951)





Film au parfum de scandale et au succès immédiat, Un Tramway nommé Désir est un gros pavé de modernité jeté dans le Hollywood ronronnant des années cinquante. Cette adaptation de la pièce de Tennessee Williams respire la provocation, avec son immoralité, sa violence, sa décadence. Il fallut d’ailleurs adapter la pièce pour en enlever quelques traits qui ne pouvaient être tolérés dans un film (l’homosexualité du mari de Blanche, le viol final qui n’est que suggéré) et rajouter une morale acceptable (Stella qui part, punissant ainsi Stanley, ce qui n’avait pas lieu dans la pièce). Les censeurs imposeront malgré tout quelques coupures, le code Hays s’affolant devant un tel film.
Si, à la sortie du film, Vivien Leigh est la seule star (et sa présence renvoie très habilement, dans l’imaginaire du spectateur, à une Scarlett O’Hara déclassée), c’est bien sûr l’explosion en plein cadre de Marlon Brando qui est le cœur du film. Hollywood, avec sa retenue, ses codes, son cadre moral, son héritage théâtral semble tout à coup complètement dépassé par ce jeu violent, incroyablement franc, pulsionnel, concentré de testostérone sans retenue. On retrouvera, au féminin, la même déflagration cinq ans plus tard avec B. B. dans Et Dieu… créa la femme.
L’exhibition de la plastique de Brando joue autant que son expression en elle-même : le jeu d’acteur entre dans une ère nouvelle (celle de l’Actor’s Studio, dont Brando est la figure de proue) et l’acteur devient aussitôt la référence absolue des jeunes James Dean, Jack Nicholson, Robert De Niro et autres Al Pacino. Le jeu plus superficiel et surfait du passé (celui de Cary Grant, Humphrey Bogart et autre Kirk Douglas) prend aussitôt un coup de vieux.

Mais il faut dire que le film, du fait de la performance de Brando, détourne l’attention du sujet principal de Tennessee Williams, à savoir la trajectoire de Blanche, femme qui se perd et devient folle. Déclassée et perdue, Blanche semble incarner un combat entre un ça pulsionnel et volontiers nymphomane et un surmoi de raffinement et de préciosité. Cette oscillation débouche sur une schizophrénie qui l’étreint peu à peu. Et c’est le coup final du viol par Stanley, mâle alpha brut et pulsionnel, qui la font basculer définitivement dans la folie.
Derrière Vivien Leigh et Brando, les seconds rôles sont très bien tenus, avec notamment le très grand Karl Malden, l’un des meilleurs acteurs de seconds rôles d’Hollywood.
Et Elia Kazan transpose l'humeur de la pièce à l’écran, captant parfaitement l’antagonisme entre ses personnages, et il parvient à recréer – dans cet appartement aux pièces contiguës et à l’ambiance moite – un cadre où se développent la tension, les mensonges, l’attirance et la haine.



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