vendredi 10 janvier 2025

Le Deuxième acte (Q. Dupieux, 2024)

 



On retrouve dans Le Deuxième acte les qualités et les défauts habituels de Quentin Dupieux : très original, jouant avec les codes du cinéma, mélangeant les acteurs et leurs personnages, créant des mises en abyme successives, le film montre combien Dupieux s’amuse. Mais, comme souvent, l’intrigue minimaliste ne mène pas bien loin et l’ensemble ressemble à une ébauche imparfaite, comme si seulement une partie du film avait été tournée et comme si quelque chose manquait.
Mais la grande réussite, ici, est cette mise en abyme des acteurs et de leurs rôles, mises en abyme successives et qui s’imbriquent toujours davantage. S’amusant à filmer un film en train de se faire, ce qui n’est pas nouveau (il montre des acteurs qui s’interrompent, refont une scène, se reconcentrent ou sont interrompus), Le Deuxième acte parvient à rajouter une dimension supplémentaire en utilisant des acteurs connus qui jouent de leur réputation. Guillaume, le personnage joué par Vincent Lindon, notamment, utilise l’image de celui-ci (celle d’un acteur confirmé, à qui on ne la fait pas, de gauche, engagé) pour se lancer dans des tirades dont on sait très bien qu’elles correspondent à l’acteur lui-même. Il y a là un recul de l’acteur par rapport à lui-même assez rare et savoureux (1). Et cette dimension, bien sûr, échappe à qui ne connaît pas l’acteur. C’est vrai aussi pour Willy, le personnage joué par Raphaël Quenard, qui lui fait face dans la scène du restaurant et avec lequel il en vient même aux mains : l’échange violent et emporté entre Guillaume et Willy pourrait tout à fait être une dispute violente entre Lindon et Quenard, ce dernier étant un jeune acteur qui monte, qui prétend à des rôles plus importants (Dupieux lui a donné un premier rôle récemment) et qui a envie de se faire une place au milieu de la génération de Lindon. Là aussi, pour qui ne connaît pas Raphaël Quenard, cette dimension échappe quelque peu. Habilement et de façon savoureuse, le film mélange les dimensions et l’on s’y perd pour ce qui est de savoir quand les acteurs jouent leurs rôles ou non, jouant jusqu’au bout même avec des personnages secondaires (l’acteur de second rôle qui se suicide en fin de film). 



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(1) : Recul assez rare mais que l’on croise parfois, par exemple avec Jean-Claude Van Damme dans Narco ou avec Demi Moore, très récemment, dans The Substance.


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