On retrouve dans Le Deuxième acte les qualités et les
défauts habituels de Quentin Dupieux : très original, jouant avec les
codes du cinéma, mélangeant les acteurs et leurs personnages, créant des mises
en abyme successives, le film montre combien Dupieux s’amuse. Mais, comme
souvent, l’intrigue minimaliste ne mène pas bien loin et l’ensemble ressemble à
une ébauche imparfaite, comme si seulement une partie du film avait été tournée
et comme si quelque chose manquait.
Mais la grande réussite, ici, est
cette mise en abyme des acteurs et de leurs rôles, mises en abyme successives et
qui s’imbriquent toujours davantage. S’amusant à filmer un film en train de se
faire, ce qui n’est pas nouveau (il montre des acteurs qui s’interrompent,
refont une scène, se reconcentrent ou sont interrompus), Le Deuxième acte parvient à rajouter une dimension supplémentaire
en utilisant des acteurs connus qui jouent de leur réputation. Guillaume, le
personnage joué par Vincent Lindon, notamment, utilise l’image de celui-ci
(celle d’un acteur confirmé, à qui on ne la fait pas, de gauche, engagé) pour
se lancer dans des tirades dont on sait très bien qu’elles correspondent à
l’acteur lui-même. Il y a là un recul de l’acteur par rapport à lui-même assez
rare et savoureux (1). Et cette dimension, bien sûr, échappe à qui ne connaît
pas l’acteur. C’est vrai aussi pour Willy, le personnage joué par Raphaël
Quenard, qui lui fait face dans la scène du restaurant et avec lequel il en vient
même aux mains : l’échange violent et emporté entre Guillaume et Willy
pourrait tout à fait être une dispute violente entre Lindon et Quenard, ce
dernier étant un jeune acteur qui monte, qui prétend à des rôles plus
importants (Dupieux lui a donné un premier rôle récemment) et qui a envie de se
faire une place au milieu de la génération de Lindon. Là aussi, pour qui ne
connaît pas Raphaël Quenard, cette dimension échappe quelque peu. Habilement et de façon savoureuse,
le film mélange les dimensions et l’on s’y perd pour ce qui est de savoir quand
les acteurs jouent leurs rôles ou non, jouant jusqu’au bout même avec des
personnages secondaires (l’acteur de second rôle qui se suicide en fin de
film).
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(1) : Recul assez rare mais
que l’on croise parfois, par exemple avec Jean-Claude Van Damme dans Narco ou avec Demi Moore, très
récemment, dans The Substance.
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