lundi 29 septembre 2025

La Lune dans le caniveau (J.- J. Beineix, 1983)

 



Film qui se veut décalé, surchargé de symboles et avec une volonté permanente (et pesante) de poésie de la part du réalisateur qui développe, dans chaque plan du film, un style lourdement maniériste. Et le film, alors, arnaché de tous ces artifices, tourne complètement à vide et sonne faux.
Dans ces décors très théâtraux où tout n’est que symbole, Jean-Jacques Beineix se perd : comme si seule la forme comptait, comme s’il voulait personnifier les émotions, tout est peint avec un pinceau trop large et dégoulinant de peinture. Entièrement esthétisant mais ne dégageant, paradoxalement, aucune émotion, le film reste froid et impersonnel.
On mesure d’autant plus l’échec à émouvoir que c’est là que se situe la réussite de son film suivant, le pulsionnel 37°2 le matin, qui, lui, tout au contraire, faisait vibrer à travers l’écran une émotion de tous les instants.

 

jeudi 25 septembre 2025

Hi Mom! (B. De Palma, 1970)

 



Ce film de jeunesse de De Palma fait partie de ces films où le jeune réalisateur, encore brouillon mais plein d’énergie, promène sa caméra de façon encore désordonnée mais très libre.
La passion de De Palma pour Hitchcock se dévoile ici et même si dans Meurtre à la mode, sa cinéphilie s’exprimait déjà clairement, ici il s’appuie sur un film précis – Fenêtre sur cour – et cherche à en développer le thème. Il garde donc le principe du voyeur mais change quelque peu la situation (notamment par l’intentionnalité du personnage qui scrute ses voisins d’en face, les filme et cherche même à modifier leur vie pour capter quelque chose de croustillant à montrer ensuite).
Le film bénéficie de l’abattage de Robert De Niro dont le charisme joue déjà à plein. Six ans avant la révélation de Taxi Driver, l’acteur a déjà cette aisance, cette façon d’emplir l’écran et de magnétiser.



samedi 20 septembre 2025

Au plus près du paradis (T. Marshall, 2002)

 



Film assez décevant de Tonie Marshall, qui s’appuie sur une Catherine Deneuve qui est de tous les plans pour suivre les hésitations de Fanette, qui passe d’une préoccupation à l’autre, file de Paris à New-York, fait des rencontres, évite des hommes du passé et en cherche d’autres. Le cœur du personnage – et du film – est sa cinéphilie : elle voit et revoit sans cesse Elle et Lui – écrasante référence dont ne semble que faire, finalement, la réalisatrice – et Fanette, comme Terry et Nickie, rêve d’un rendez-vous avec l’homme qu’elle aime en haut de l’Empire State Building.
Le film est un peu décalé et étrange, avec le rythme décousu imposé par son personnage incertain. Mais il se perd en chemin et l’on s’ennuie peu à peu devant ces personnages qui vont et viennent, ces allers-retours, ces rêves qui ne mènent pas bien loin. Les citations éblouissantes (la réalisatrice montrant rien moins que la dernière séquence du film de McCarey) finissent, par contraste, à effacer tout à fait le film lui-même. On pourrait se dire que Au plus près du paradis donne envie de revoir Elle et Lui pour s’émouvoir et pleurer encore. Mais, en réalité, il n’est pas besoin du film de Tonie Marshall : Deborah Kerr et Cary Grant ne nous quittent jamais tout à fait…


mercredi 17 septembre 2025

Touche pas à la femme blanche ! (Non toccare la donna bianca de M. Ferreri, 1974)

 



Dans cette parodie de western qui se passe en plein Paris, Marco Ferreri, fidèle à ses habitudes de provoquer et de secouer le spectateur, propose un film étrange et inclassable, revisitant (de très loin) la bataille de Little Big Horn. Mais, sans sourciller, il fait déambuler ses tuniques bleues en plein Paris, pendant que les Indiens traversent le chantier des Halles (le futur Forum étant alors en construction).
Ferreri mélange les lieux et les époques, joue d’incongruités et d’anachronismes, ridiculise ses personnages, rajoute des touches morbides ou grotesques et, surtout, il passe du coq à l’âne sans cesse, interrompant son histoire, la reprenant, s’amusant de détails, allant de touches d’humour bien vu ou incongrues (le personnage qui chante des airs de country, les soldats qui se mettent au garde à vous au bistrot avant de se rasseoir devant leurs verres, le canon qui détruit des bâtiments) à des slapsticks lourdingues (les tomates lancées sur l’éclaireur). Le film a beau assumer ce grand n’importe quoi – avec notamment des personnages de bouffons et de fous –, cela ne mène pas bien loin pour autant et l’ensemble tourne à vide. Ce malgré une distribution étonnante mêlant notamment Marcello Mastroianni, Catherine Deneuve, Philippe Noiret, Ugo Tognazzi ou Serge Reggiani. Et l’on donnera une mention spéciale à Michel Piccoli en Buffalo Bill et à Darry Cowl en empailleur d’Indiens.


samedi 13 septembre 2025

Larmes de clown (He Who Gets Slapped de V. Sjöström, 1924)

 



Grand film de Victor Sjöström où le monde est montré comme un gigantesque cirque impitoyable. Le héros trop vertueux est balayé par la cupidité et la trahison et il laisse bientôt sa place au clown sur lequel s’abattent les claques.
Et dans ce cirque impitoyable, plus les malheurs s’abattront, et plus le clown prendra de claques et plus il rira fort. Ce masque de clown qui fige le sourire là où il faudrait pleurer est porté, comme une évidence, par l’immense Lon Chaney, auquel le film doit beaucoup. Il annonce ses grands rôles – en particulier chez Tod Browning – avec cette expressivité magnifique, ces regards si perdus et si tristes d’où surgit, tout à coup, la folie. Folie inévitable qui vient, comme un exutoire, tout rattraper.
En montrant en plein cadre ce clown être humilié pour le divertissement des spectateurs, Victor Sjöström, sans sourciller et avec maestria, à grands coups de plans serrés et avec son montage au rythme parfait, tend un miroir sévère et sans concession vers les spectateurs.
On retrouvera évidemment des accents du film chez Browning (dans L’Inconnu ou, bien sûr, dans Freaks) avec cette ambiance foraine et cette horreur finale (où le père et le baron  sont dévorés par un lion).
On notera qu’il s’agit du premier film produit par la MGM, futur major et maillon essentiel de l’usine à rêves hollywoodienne depuis lors (à se demander d’ailleurs, comme un symbole, si ce n’est pas le lion de la MGM qui dévore les vilains du film et rétablit la morale) et l’on y croise, en plus de Lon Chaney, John Gilbert et surtout Norma Shearer, futures stars de la major.

 

jeudi 11 septembre 2025

Miroirs N°3 (C. Petzold, 2025)





Ce drame de Christian Petzold n’est guère convaincant : la première partie du film est très décevante (les personnages et les situations sont étonnamment caricaturales et sans âme) et, après l’accident qui lance le film, on comprend très vite le jeu trouble qui se noue entre Betty et Laura.
Le film, alors, qui se veut tout en ellipses et en non-dits, est cousu de fil blanc et rien ne se passe plus guère, ni à l’écran, ni entre les lignes, ni dans le cœur des personnages. L’arrivée du mari et du frère permettent de souffler un peu (les deux acteurs sont nettement plus convaincants) mais cela n’épaissit guère le récit (au moment de la révélation de la réalité de la situation par le frère à Laura, il y a bien longtemps que l’on a compris). Et si, formellement, le film se veut épuré, sa lenteur manque de poésie et l’ensemble reste très plat, sans ampleur ni humeur particulière.



mardi 9 septembre 2025

Gangsters (O. Marchal, 2002)

 


Dès ce premier long-métrage, Olivier Marchal cherche à plonger au sein de l’univers des policiers, entrant dans les bureaux et les quartiers généraux plutôt que de rester dans les rues, les banques ou les appartements des mafrats, comme le veut souvent le genre. Là il fouille les passes d’armes entre indics et inspecteurs fatigués, guettant les corruptions et les magouilles, les petits arrangements et les grandes traîtrises.
Si le film souffre d’un scénario assez simple et d’une réalisation basique, il bénéficie en revanche du charisme de Richard Anconina (dont le personnage reste longtemps impénétrable) et l’ensemble, avec son cortège de flics usés ou blasés, est assez efficace.

 

vendredi 5 septembre 2025

L'Invité du mardi (J. Deval, 1950)

 



Drame assez convenu articulé autour d’un scénario classique avec le coup monté par la femme et l’amant à l’encontre du mari. Mais, malgré quelques bonnes séquences (notamment celle, clef, du moment où le mari trompé comprend tout) la sauce ne prend guère : l’ensemble est cousu de fil blanc et le rythme n’est guère trépidant.
Bernard Blier est assez peu à l’aise en mari banal, pantouflard et sans passion, mais il retrouve toute sa facilité habituelle en deuxième partie de film, après cette fameuse séquence où il comprend tout et où l’intrigue, pour un moment, se noue.

 

mardi 2 septembre 2025

In the Cut (J. Campion, 2003)





Jane Campion, très fidèle à son style, quitte le mélodrame pour aller voir du côté du thriller, mêlant les hésitations sentimentales de Franny Averey avec une enquête autour d’un tueur qui sévit.
Si l’enquête en elle-même est assez simpliste (mais là n’est pas ce qui intéresse réellement la réalisatrice), c’est le personnage de Franny, si bien tenu par une excellente Meg Rayan, qui est au cœur du film, de même que cette atmosphère très bien saisie par Campion qui mêle lenteur et détours et qui baigne dans une lumière sombre splendide (la photo, par moment, est incroyable).
On pardonne donc l’intrigue un peu superficielle et même artificiellement trompeuse (et qui laisse notamment croire que l’inspecteur Malloy est coupable, rendant le personnage faussement trouble) pour se laisser prendre par cette histoire érotico-sentimentale joliment filmée. Et le film démarre avec un générique magnifique, entre poésie urbaine et sommeil, au son de la reprise douce de Que sera, sera. : il donne au film, d'emblée, une âme avec laquelle Campion sait jouer tout du long.