Très bon film
d’anticipation de Richard Fleischer qui, comparé à d’autres films semblables, a moins vieilli et reste passionnant. Il démarre avec un générique fameux qui
résume en deux minutes une histoire de l’Amérique : partant de photos
d’époque, Fleischer évoque les grands espaces franchis lors de la conquête de
l’Ouest, puis le développement des villes, jusqu’au manque d’espace et
l’entassement (de voitures, de logements), le tout renforcé par les
split-screens qui se multiplient à l’écran et montrent le passage d'une expansion à un surdécoupage de l'espace. Le film convoque donc un des grands
thèmes du cinéma américains (la Frontière) pour montrer que, une fois l’espace
franchi, une fois la côte Ouest atteinte, inévitablement, le manque de nouveaux
espaces conduit à un entassement, à une surpopulation et, ensuite, fatalement, à
un manque de nourriture. Le film exprime donc une inquiétude qui est
consubstantielle de l’esprit américain. Soleil
vert fait ainsi habilement le lien entre un motif traditionnel du cinéma et
un sujet d’actualité.
Fleischer a le
bon goût de ne pas décrire un futur si différent du monde actuel et en ayant peu recours à des effets spéciaux, ce qui vaut
au film, pour ce qui est des décors ou des costumes, d’avoir bien moins vieilli
que bon nombre des films similaires de la période.
Le film reprend
une structure sociale héritée de Metropolis, où les riches sont épargnés des
soucis : ici ils vivent dans de grands espaces et se nourrissent
normalement (on mesure l’habileté de Fleischer à montrer comme extraordinaire
ce qui, pour le spectateur moyen, est tout à fait normal : un morceau de
viande, une cuillère de confiture) quand les pauvres sont entassés jusque dans
les cages d’escaliers et doivent se nourrir de « soylent green » (mal traduit en « soleil vert », de
ce qui signifie plutôt une « pousse de soja verte ») dont la
découverte de la composition est le nœud de l’intrigue.
Le cinéma du
Nouvel Hollywood est passé par là et a changé le paradigme du héros. Loin d’être fidèle à ses
glorieux prédécesseurs (incarnés typiquement à Hollywood par Gary Cooper ou
John Wayne), le héros, interprété par Charlton Heston qui reprendra plusieurs
fois des rôles similaires dans des films d’anticipation, n’est pas celui qui
est le plus fort, mais il est celui qui cherche à savoir (on retrouvera ce même
principe par exemple dans Rollerball
ou L’Âge de cristal). On notera que
la fin est ouverte : la connaissance étant acquise, le héros ne sait qu’en faire. Il clame la nouvelle mais on ne sait pas comment la population recevra
l’information.
On retiendra
bien sûr, entre autres séquences, la très émouvante et très célèbre scène de la
mort de Sol, qui appartenait au monde « d’avant » et qui parle du
monde d’aujourd’hui comme d’un paradis perdu.
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