Film
fondateur, Scarface met en scène
plusieurs éléments qui sont devenus des grands fondamentaux du film noir. Avec
une virtuosité teintée d’idées brillantes (notamment la manière détournée de filmer la
violence), Howard Hawks déroule ce qui deviendra un grand classique : la montée
d’un petit truand pour prendre le pouvoir d’un des gangs de la pègre.
Le
film de gangsters était alors très en vogue, avec en particulier L’Ennemi public de W. Wellman ou Le Petit César de M. LeRoy, ou encore Les Fantastiques années vingt de R. Walsh en
fin de décennie. Pourtant Hawks eut beaucoup d’ennuis avec la censure et il dut
donner des gages de moralité, notamment en intégrant des séquences avec le
procureur condamnant clairement les agissements des gangsters (d’où le
sous-titre « honte de la nation »).
Hawks,
tout en maîtrise, au milieu d'un récit linéaire ponctué de nombreuses scènes d'action, se permet d’intégrer un personnage clairement humoristique
(Angelo), de faire des pauses dans son récit, d’épaissir considérablement la psychologie
de Tony Camonte en développant une relation quasi-incestueuse avec sa sœur. Et
puis, il faut bien le dire, le cinéma américain n’a pas son pareil pour
montrer des poursuites en voitures toutes sirènes hurlantes, des rafales de
mitraillettes tirées d’une fenêtre, des exécutions sommaires dans des bars
clandestins.
C’est
dans la mise en scène des séquences les plus violentes (avec de nombreux règlements de
compte) que le génie de Hawks éclate. La
séquence d’ouverture (magistral plan-séquence qui aboutit au meurtre de Big
Louis) est superbe : la caméra glisse et joue avec les ombres, dans le calme
tranquille du meurtrier sifflotant. De même lorsque Tony et ses hommes
déboulent au bowling : le meurtre de Gaffney est évoqué superbement par la
quille de bowling qui tourne sur elle-même et s’abat.
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Au bowling, Gaffney (Boris Karloff) s'apprête à jouer... |
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... c'est la chute de la dernière quille qui symbolise sa mort. |
De même encore lors du
massacre de la saint Valentin, ce sont des ombres portées sur le mur qui sont
criblées de balles.
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Les ombres de la bande rivale bientôt criblées de balles. |
B. De Palma s'en souviendra quand il réalisera son extravagant remake où, à l'opposé de Hawks, il cherchera, à chaque explosion de violence, à montrer un bain de sang de façon toujours plus sanglante. On trouve de telles idées de mise en scène chez d’autres réalisateurs (par exemple Association criminelle de J. H. Lewis) mais la variété et la multitude des représentations de la violence est ici époustouflante.
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