Nous
avons gagné ce soir est un exceptionnel film noir sur le monde de la boxe. Robert Wise
filme en temps réel ce dernier combat de Bill « Stocker » Thompson,
boxeur raté, dont l’entraîneur négocie le match : Stocker va devoir se
coucher. Stocker va pour se battre, alors que sa femme, qui ne veut pas qu’il
entre le ring, l’attend, à quelques pas de là, dans son hôtel. Alors Bill décide,
pour exister une dernière fois, de refuser la combine. Mais s’il regagne ainsi son
orgueil, il va devoir payer sa désobéissance.
Dans son complet veston élimé, Stocker marche vers la salle de boxe comme d'aucuns vont au travail |
Techniquement le film
est un chef-d’œuvre et le spectateur est bientôt happé par le film, avec plusieurs séquences parfaites, à commencer par le match de boxe lui-même, au montage serré,
avec l’insertion de plans de spectateurs hurlant de plus en plus à mesure que
le combat avance.
Le film est célèbre en terme de montage : il est l’un
des tout premiers (avec La Corde de
Hitchcock, sorti la même année) pour lequel la durée du film respecte à la
minute près la durée de l’action. Bien plus qu’un simple jeu intellectuel,
cette disposition met le spectateur au cœur de l’événement, en direct si l’on
veut, avec des rappels réguliers du temps (horloge filmée, réveil). Et comme
Wise ne se contente pas d’un simple match mais qu’il s’attarde sur l’avant-match,
sur les hésitations de Stocker, sur d’autres
boxeurs autour de lui, c’est une véritable immersion dans le monde de la boxe,
dans ces soirées où plusieurs matchs se succèdent.
Robert Ryan est
magistral dans le rôle de Stocker. En plus d’avoir été champion de boxe à
l’université, il porte sur lui le destin tragique typique des personnages du
film noir (un peu comme Robert Mitchum). Il intériorise toute la détresse du
personnage, condamné d’avance par son coach, et condamné, finalement, par la
pègre.
Il faut remarquer que
deux des meilleurs films de boxe (celui-ci et Fat City) sont centrés sur des boxeurs ratés, qui n’ont plus d’illusions.
Sans doute la boxe est une belle métaphore de la réussite par l’effort (comme on le voit dans Marqué par la haine ou même Rocky) mais c'est une métaphore plus puissante encore des espoirs déchus et de ce qu’une vie peut être violente et détruire un homme.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire