Excellent film de F. Lang, son dernier tourné en
Amérique. Le film est formellement très épuré : la période américaine de
Lang est de plus en plus sobre au fur et à mesure de ses films. Mais, bien
qu’épuré, il tient le spectateur en haleine par une succession de rebondissements
et de coups de théâtre.
L'intelligence du film est qu’un des retournements
majeurs est légèrement anticipé par le spectateur qui se dit alors qu'il n'a pas
été surpris et qu'il a bien senti le coup venir. Mais en réalité, tout cela n'est
que manipulation de la part de Lang, qui réserve d'autres coups de théâtre
beaucoup plus importants. En particulier le renversement final oblige non seulement
à repenser toutes les étapes du film à l'aune de cette vérité qui vient d'être
révélée pour comprendre la réalité de l’histoire, mais il doit aussi reconsidérer les sentiments des personnages, ceux qu'ils ont réellement ressentis (en particulier
lorsque Tom Garrett (admirable Dana Andrews) apprend l’accident mortel de
Spencer). Et c'est là que le coup de théâtre final prend une dimension
supplémentaire, par cette nouvelle compréhension des émotions et des relations
entre les personnages.
Si le spectateur a été berné, ce n’est pas à
cause de l’image : Lang montre les choses, ne cache rien au spectateur (par exemple il ne cherche pas à laisser un détail déterminant hors-champ). C’est la signification de l’image
sur laquelle le spectateur se trompe. En effet, une fois le film terminé, le
spectateur doit, sans rien changer aux images qu’il a pu voir, les comprendre
autrement. C'est ainsi qu’une deuxième vision du film l’enrichit : elle
permet de revoir le film – revoir les mêmes images – mais avec leur sens
véritable. Les faux indices – pris un temps par la police comme étant des vrais – servaient en réalité à cacher
les vrais indices.
Le grand thème langien de la culpabilité – qui traverse
beaucoup de ses films, depuis M Le maudit
jusqu’à J’ai le droit de vivre – est
ici poussé très loin. En effet, chez Lang, l’Homme doit toujours se battre pour
prouver son innocence, puisque, pour lui, tout homme est coupable. Cette idée force
de l’œuvre de Lang s’exprime puissamment avec Tom Garrett, que le spectateur
voit successivement comme un innocent pris pour un coupable, puis comme un coupable
qui veut se faire passer pour innocent.
La fabrication de faux indices... pour masquer les vrais |
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