dimanche 7 juin 2015

L'Invraisemblable vérité (Beyond a Reasonable Doubt de F. Lang, 1956)




Excellent film de F. Lang, son dernier tourné en Amérique. Le film est formellement très épuré : la période américaine de Lang est de plus en plus sobre au fur et à mesure de ses films. Mais, bien qu’épuré, il tient le spectateur en haleine par une succession de rebondissements et de coups de théâtre.
L'intelligence du film est qu’un des retournements majeurs est légèrement anticipé par le spectateur qui se dit alors qu'il n'a pas été surpris et qu'il a bien senti le coup venir. Mais en réalité, tout cela n'est que manipulation de la part de Lang, qui réserve d'autres coups de théâtre beaucoup plus importants. En particulier le renversement final oblige non seulement à repenser toutes les étapes du film à l'aune de cette vérité qui vient d'être révélée pour comprendre la réalité de l’histoire, mais il doit aussi reconsidérer les sentiments des personnages, ceux qu'ils ont réellement ressentis (en particulier lorsque Tom Garrett (admirable Dana Andrews) apprend l’accident mortel de Spencer). Et c'est là que le coup de théâtre final prend une dimension supplémentaire, par cette nouvelle compréhension des émotions et des relations entre les personnages.
Si le spectateur a été berné, ce n’est pas à cause de l’image : Lang montre les choses, ne cache rien au spectateur (par exemple il ne cherche pas à laisser un détail déterminant hors-champ). C’est la signification de l’image sur laquelle le spectateur se trompe. En effet, une fois le film terminé, le spectateur doit, sans rien changer aux images qu’il a pu voir, les comprendre autrement. C'est ainsi qu’une deuxième vision du film l’enrichit : elle permet de revoir le film – revoir les mêmes images – mais avec leur sens véritable. Les faux indices – pris un temps par la police comme étant des vrais – servaient en réalité à cacher les vrais indices.


La fabrication de faux indices... pour masquer les vrais
Le grand thème langien de la culpabilité – qui traverse beaucoup de ses films, depuis M Le maudit jusqu’à J’ai le droit de vivre – est ici poussé très loin. En effet, chez Lang, l’Homme doit toujours se battre pour prouver son innocence, puisque, pour lui, tout homme est coupable. Cette idée force de l’œuvre de Lang s’exprime puissamment avec Tom Garrett, que le spectateur voit successivement comme un innocent pris pour un coupable, puis comme un coupable qui veut se faire passer pour innocent.

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