En sampler
génial qu’il est, Tarantino a mis dans un shaker Le Bon, la brute et le truand, Mandingo de R. Fleischer et le Django de Corbucci, a secoué le
tout et il en est sorti Djando Unchained.
De la thématique générale au style, le film offre ainsi un beau mélange, illuminé
par la maestria de Tarantino et entaché, si l’on veut, par ses excès.
Le Bon, la brute et le truand se retrouve
tout au long de la première partie (le parcours des deux chasseurs de prime) et,
à partir de l’arrivée dans la plantation de Candie, c’est Mandingo de Fleischer qui sert de référence (ainsi que sa suite, Drum de S. Carver, qui insiste sur les combats
entre esclaves-gladiateurs). Le personnage de Candie (terrible Leonardo
DiCaprio) est directement inspiré du marquis de Veve de Mandingo de même que, bien sûr, les
combats à mort entre esclaves.
Le marquis Bena de Veve, instigateur de combats entre esclaves |
Leonardo DiCaprio est Candie, grand amateur de luttes à morts entre esclaves |
Le Django de Corbucci, s’il est nettement
évoqué à plusieurs moments (avec notamment un petit rôle donné à Franco Nero),
se retrouve surtout autour de la violence sanglante qui saupoudre tout le film.
C’est que Tarantino a hérité de ce goût prononcé pour la violence crue, à grand
renfort de sang qui gicle. Ici ce n’est pas avec une mitraillette que Django
tue à tout va mais, question efficacité, c’est du pareil au même.
Les deux Django côte à côte : le nouveau à gauche et Franco Nero, l'original, à droite |
Le style de
Tarantino explose dans ce film, avec toujours autant d’aisance et de délectation.
La violence, très stylisée, devient bien lassante pour qui n'a pas ce gout pour les gerbes de sang (la double séquence finale fatigue particulièrement, même avec la distance et l'ironie de Tarantino). Cette violence est souvent introduite selon la même modalité, qui
vient directement d’une séquence d’introduction du Bon, la brute et le truand de Leone (1). Chez Tarantino la violence
n’arrive jamais immédiatement, mais elle vient après une longue introduction,
souvent constituée de dialogues, qui emmène vers un point de rupture. La
première séquence du film (où Schultz abat les deux vendeurs d’esclaves) est
tout à fait typique. Tarantino rajoute ici, dans la partie à Candyland, une
seconde violence, celle des esclavagistes, qui est une violence pulsionnelle,
soudaine, sadique. C’est celle de Candie et de ses sinistres sbires. Celle-là
surgit tout à coup, sans retenue, sans prévenir. Django, après la mort de
Schultz, cédera à cette violence qui conclura le film.
Dans la
filmographie de Tarantino, Django
Unchained suit la ligne initiée par Inglourious
Basterds, puisqu’il vient se coller à l’Histoire (ce qu’indique le carton
du début, situant le film peu de temps avant la Guerre de Sécession) pour mieux
la falsifier : il n’y a pas eu d’esclave noir héroïque qui se sera rebellé
et émancipé et qui aura vengé et libéré ses frères.
Sa description
du Sud esclavagiste ne fait pas dans la finesse (à l’inverse de Mandingo) avec des Blancs qui sont tous
d’épouvantables raciste, pervers et violents. Il n’y a guère que Schultz pour
être préservé question racisme (malgré son cynisme il n’a pas de haine contre
les Noirs, même si moralement, pour le reste c’est un tueur). Django, puisqu’il
vit une situation qui justifie la violence (il veut libérer sa femme) est
moralement épargné (à l’inverse de ses ancêtres cinématographiques des westerns
italiens). Le film prend donc position de façon très radicale mais très
simpliste (Mandingo, là encore, est beaucoup
riche). La seule hésitation vient de Stephen, le serviteur noir qui trahit ses
frères noirs, et le seul inconfort vient de l’émancipation de Django, qui n’est
possible en définitive que par Schultz.
Si l’on se
réjouit qu’un western ait un tel succès, on regrette qu’il soit un descendant
en droite ligne des westerns italiens (stylistiquement bien sûr, mais aussi
dans son récit centré sur une vengeance). Encore une fois la richesse
thématique du cinéma américain (malgré les références appuyées à Mandingo) semble oubliée. Le western se
trouve une nouvelle fois enfermé dans une forme dont il a bien du mal à
s’extraire et qui le font complètement méconnaître du public non cinéphile.
Django, dans une belle évocation du Grand silence |
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« La seconde séquence du film (lorsque la brute
Lee Van Cleef rend visite au fermier qu’il finira par abattre) contient tous
les ingrédients du cinéma, à venir, de Quentin Tarantino : le rythme est lent,
le réalisateur prend son temps, s’attache à des détails triviaux (une
discussion tout en mangeant de la soupe), avec une tension sous-jacente qui
monte (on sait qu’il va se passer quelque chose). L’explosion de violence est
soudaine et radicale. Tarantino refera très précisément cette séquence (au
début d’Inglourious Basterds) mais c’est, de façon plus générale, tout
son cinéma qui est irrigué par cette manière de faire. C’est d’ailleurs à la
fois une qualité de Tarantino (il est passionné par une esthétique précise) et
un défaut, puisqu’il fait à la manière d’un maniériste. C’est donc un style,
ontologiquement, assez caricatural. Reste que sa vista lui permet de faire
« à la manière de Leone » de façon brillante, enlevée, facilement
jouissive, fluide et en déclinant dans de très nombreuses variantes ce schéma
de base. »
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