Exceptionnel
film de Woody Allen, qui prend appui sur deux idées de génie, l’une purement
scénaristique, l’autre formelle.
Cette idée d’un
homme-caméléon qui s’identifie physiquement et intellectuellement aux personnes
qui l’entourent, est somptueuse : Leonard Zelig est une image ultime du
conformisme. Voulant plaire à autrui, Zelig, sans cesse, devient autrui. On a
là une représentation, délicieusement exagérée, de qui veut plaire, de qui veut
flatter autrui, de qui est toujours d’accord sur tout, de qui n’existe qu’au
travers de la pensée dominante (avec le terrible confort du fascisme en ligne
de mire).
Le corollaire
est que Zelig, évidemment, laissé seul face à lui-même, n’existe guère. Il n’a
pas de personnalité, pas d’opinion, pas de particularité. Il devient ce que
sont les autres.
Et, brodant
inlassablement sur ce thème, le film regorge d’idées (face au docteur,
Zelig est insoignable puisqu’il se sent médecin ; soigné malgré tout, par
un tour de passe-passe amusant, voilà Zelig trop bien soigné puisqu’il ne
supporte plus la moindre contradiction, etc.).
La mise en œuvre
est l’autre idée de génie : le film se présente sous la forme d’un
faux-documentaire qui alterne images d’archives, fausses interviews et trucages
avec une véracité incroyable et une imagination incessante et jubilatoire. Allen s’amuse à
montrer une multitude d’images d’archives ou de références qu’il déforme et
adapte (Forrest Gump n’apparaît alors que comme une pâle copie) et il incruste son étrange personnage multiformes à la place
de Lindbergh dans sa parade, aux côtés de Chaplin ou de Scott Fitzgerald et va
jusqu’à Rome déranger le pape ou, dans une image étonnante et très drôle,
interrompre Hitler en plein discours. Les années 30 sont revues et corrigées
avec foisonnement et truculence. Les trucages sont parfaits et les interviews factices des différents protagonistes plus
âgés sont plus vraies que nature.
Le film, en plus
d’une réflexion puissante sur le conformisme, propose une multitude de mises en
abyme. Il peut se voir comme la volonté incessante du peuple juif à s’insérer
ou encore comme les recherches cinématographiques d’un Woody Allen protéiforme qui s’essaye
à de nombreuses formes cinématographiques. Le film, enfin, qui est en fait une
déclaration d’amour (puisque Zelig sera sauvé par l’amour que lui porte son
médecin), est aussi une mise en image de l’histoire d’amour entre Woody Allen et Mia
Farrow.
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