Nous parlions
dans un article précédent de l'absence de films qui puissent faire le lien entre
les cinéphiles et les « consommateurs d’images », c’est-à-dire de films
qui soient à la fois autre chose qu’un simple produit de consommation et qui
aient malgré tout un certain succès en salle.
Pourtant il fut
un temps où le public se déplaçait en masse vers des films remarquables,
parfois difficiles, qui n’étaient pas pensés pour plaire mais qui partaient d’une
esthétique ou d’une idée bien différente.
A parcourir les
box-offices des années passées (et on s’en tient toujours, dans les exemples
qui vont suivre, à des films entrés dans le top 10 d’une année), on trouve,
parmi tant d’autres :
- A la fin des
années 40 : Hitchcock, Preminger ou Vidor qui côtoient Dréville et Christian-Jaque (tous à plus de 3 millions d’entrées) ;
- A la fin des
années 50 : Mon Oncle (4,5 millions
d’entrées…), Les 400 coups, Certains l’aiment chaud, La Mort aux trousses ;
- A la fin des
années 60 : 2001 (3,2 millions
d’entrées…), Le Bal des vampires, Le Vieil homme et l’enfant, Il était une fois dans l’Ouest ;
- A la fin des
années 70 : Apocalypse Now, Alien, Rencontres du troisième type, Manhattan ;
- A la fin des
années 80 on trouve encore Bertolucci, Kubrick, De Palma, Louis Malle, de bons Spielberg…
On constate ensuite
que le cinéma est progressivement éjecté du haut du box-office (1). Bien entendu il
y a toujours eu à la fois des blockbusters, des comédies populaires et des
films pour enfants, mais leur nombre augmente et noie dans la masse
progressivement le cinéma. C’est ainsi que les films qui sortent des canons
industriels font de moins en moins d’entrées. Tim
Burton, Pedro Almodovar, James Gray, Paul Tomas Anderson et tant d’autres sont bien loin des performances de leurs aînés. On trouve bien sûr quelques exceptions (3,4 millions d'entrées pour Gran Torino par exemple) mais la tendance est très nette ces dernières années.
Or ces films intermédiaires, c’est-à-dire ceux qui font se côtoyer les deux populations de spectateurs, existent toujours (on pense aux films de Michael Mann, Wes Anderson, Bong Joon-ho, etc.). Sans être construits uniquement pour cartonner au box-office, ils ne sont pas pour autant austères, complexes ou repoussants.
Or ces films intermédiaires, c’est-à-dire ceux qui font se côtoyer les deux populations de spectateurs, existent toujours (on pense aux films de Michael Mann, Wes Anderson, Bong Joon-ho, etc.). Sans être construits uniquement pour cartonner au box-office, ils ne sont pas pour autant austères, complexes ou repoussants.
Collatéral de M. Mann |
S’ils ne font
pas recette, c’est donc que ce sont les
spectateurs qui ont changé : le spectateur consommateur d’images a
tout à fait tourné le dos au cinéma. Son goût et sa curiosité se sont érodés, au fur et à mesure des séries télé, de l’esthétique envahissante
des clips ou des publicités et devant la bouillie prémâchée des comédies
lourdes ou des blockbusters.
On voit là, sans
aucun doute, un contrecoup de la culture télé mainstream, qui impose des canons visuels et n’habitue le
spectateur qu’à une passivité qui lui ferme tout à fait les yeux (nous avons pu dire, déjà, combien cette passivité était aux antipodes de toute découverte
cinématographique).
Et cela semble
inexorable. Il n’est qu’à voir le box-office de l’année en cours qui se
constitue sous nos yeux : Les Tuche
3 est d’une courte tête devant La
Ch’tite famille, alors que, juste derrière, Avengers : Infinity War vient de dépasser Black Panther…
La messe semble
dite : les seuls films qui ont du succès, désormais, sont les purs produits de
consommation.
________________________________
(1) : Il faudrait prendre en compte, pour affiner cette réflexion, l'évolution des circuits de distribution. Le développement de très gros multiplexes qui offrent tous la même programmation favorise évidemment la visibilité de certains films au détriment d'autres qui deviennent réservés à quelques cinémas de grandes villes. Néanmoins, même avec une très large diffusion, il n'est pas certain que The Grand Budapest Hotel, There Will Be Blood ou Memories of Murder, pour citer quelques films remarquables dans des genres très différents, auraient eu un succès fracassant.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire