Une passion peut être un bon exemple de l’austérité
quasi légendaire des films d'Ingmar Bergman, en particulier ceux filmés sur l’île
Farö (où vit alors le réalisateur), films assez lents et tournant autour de l’analyse
psychologique de quelques personnages.
Mais, derrière cette austérité de façade, Bergman, propose un film très intelligent, riche et
bien plus original qu’il n’y paraît. On peut citer par exemple les insertions
successives, au sein du film, des interviews des quatre acteurs principaux, qui
expliquent comment ils sentent leur personnage et les difficultés à le saisir.
Cette prise de distance étonnante montre l’évolution de Bergman qui laisse beaucoup
plus qu'auparavant de latitude à ses acteurs.
C’est ainsi que,
plus encore peut-être que dans d’autres films, Bergman laisse le champ libre
aux acteurs : lors de la scène du repas, ils sont pris, chacun leur tour,
en plan rapproché, leur visage scruté par la caméra, dans un long monologue. Et
l’harmonie qui se dégage du repas est brisée par Bergman lui-même, qui
interrompt les convives par des inserts où l’on voit la lettre d’Anna lue en
cachette par Andréas : si le réalisateur lâche la bride en ce qui concerne
le jeu des acteurs, il la reprend au montage.
Et, au fil de
cette rencontre entre un solitaire, un couple et une autre femme, se construit sous
nos yeux une perception étrange : tous ces personnages souffrent de la
solitude (Andréas, par qui commence le film, mais aussi bien Eva, dont le couple
est à l’arrêt), mais ils sont pour autant bien incapables de vivre ensemble.
Et c’est ainsi
que, progressivement, entre les rêves en noir et blanc d’Anna (dans des
séquences évoquant La Honte), les
animaux tués (qui sont sans doute une projection des tourments des
personnages), la voix off ou encore la caméra subjective (très contradictoire
avec la distanciation évoquée précédemment, puisqu’il s’agit ici d’entrer dans
la tête du personnage et de découvrir ses fantasmes), Bergman utilise la
richesse du langage cinématographique pour scruter, à sa façon, chaque personnage
et jouer sur ce mélange, si particulier chez lui, entre ce qui est dit et
non-dit, ou entre ce qui est extériorisé ou reste intériorisé.
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