vendredi 12 octobre 2018

La Nuit des forains (Gycklarnas afton de I. Bergman, 1953)




On retrouve dans La Nuit des forains une austérité typique de Bergman : un noir et blanc cru, qui s’applique, dans un rythme assez lent, à suivre de près plusieurs personnages d’une petite communauté, ici une troupe de forains.
Bergman filme avec une empathie très forte la vie des forains et guette cette sensibilité à fleur de peau qui les fait exister et les fait réagir : à se soumettre aux yeux du public, à chaque représentation, c’est l’humiliation qui les guette. Cette humiliation est au cœur du film, qui est encadré par deux séquences chocs qui se répondent parfaitement. La première séquence, qui ouvre le film et qui est racontée par un des forains, est traitée de façon glaciale, dans une lumière éclatante et sur un mode à demi-onirique (la tonalité de cette séquence évoque Eisenstein ou le Buñuel de L’Âge d'or). A cette séquence de violente humiliation, répond, en fin de film, celle de Alberti, le directeur de la petite troupe, dans l’arène. Dans les deux cas, c’est l’adultère qui est mis en avant, avec la jalousie, l’impossible acceptation. Et, dans le cas de Alberti, c’est toute une vie de façade, de représentation, d’apparat, de fausseté, qui est mise à bas. Et, après le choc, la tentation du suicide, puis la lente possibilité d’une reconstruction.



Bergman filme avec virtuosité la souffrance et le déchirement qui foudroient les visages. Son cinéma est, déjà, dans une fausse sobriété (les plans sont parfois très complexes) et une mise à nu des personnes qui sont scrutées, au plus près, avec la caméra, utilisée par Bergman avec une sensibilité extraordinaire.

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