On retrouve dans La Nuit des
forains une austérité typique de Bergman : un noir et blanc cru, qui
s’applique, dans un rythme assez lent, à suivre de près plusieurs personnages
d’une petite communauté, ici une troupe de forains.
Bergman filme avec une empathie très forte la vie des forains et
guette cette sensibilité à fleur de peau qui les fait exister et les fait
réagir : à se soumettre aux yeux du public, à chaque représentation, c’est
l’humiliation qui les guette. Cette humiliation est au cœur du film, qui est
encadré par deux séquences chocs qui se répondent parfaitement. La première
séquence, qui ouvre le film et qui est racontée par un des forains, est traitée de façon glaciale, dans une lumière éclatante et sur un mode à demi-onirique
(la tonalité de cette séquence évoque Eisenstein ou le Buñuel de L’Âge d'or). A cette séquence de
violente humiliation, répond, en fin de film, celle de Alberti, le directeur de
la petite troupe, dans l’arène. Dans les deux cas, c’est l’adultère qui est mis
en avant, avec la jalousie, l’impossible acceptation. Et, dans le cas de
Alberti, c’est toute une vie de façade, de représentation, d’apparat, de
fausseté, qui est mise à bas. Et, après le choc, la tentation du suicide, puis
la lente possibilité d’une reconstruction.
Bergman filme
avec virtuosité la souffrance et le déchirement qui foudroient les visages. Son
cinéma est, déjà, dans une fausse sobriété (les plans sont parfois très
complexes) et une mise à nu des personnes qui sont scrutées, au plus près, avec la
caméra, utilisée par Bergman avec une sensibilité extraordinaire.
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