mercredi 10 octobre 2018

Schizophrenia (Angst de G. Kargl, 1983)




Étrange et perturbante expérience de cinéma, Schizophrenia sent le soufre d’emblée : un plan séquence à la grue part des nuages, glisse le long d’un mur austère et se fige devant les barreaux d’une fenêtre, le tout avec le bruit mouillé de gouttes d’eau qui s’égrènent. Le film, ensuite, vire au cauchemar permanent : il n’est pas un plan, pas un cadrage qui soit conventionnel et reposant. Tout n’est qu’un hallucinant trip qui nous fait suivre le parcours titubant, malade et exténué du tueur qui, aussitôt sorti de prison, cède à ses pulsions.
Le film cherche à faire coïncider le fond et la forme puisque Gerard Kargl nous fait ressentir ce que ressent le meurtrier : le monde qui nous est donné à voir n’est qu’une perception déformée et délirante du monde extérieur. On voit le monde tel que le fou le voit. D’où cette incroyable mise en scène, étouffante et même parfois soûlante (au sens strict). Kargl filme l’intérieur du crâne de son protagoniste : la mise en scène capte sa folie, son interprétation délirante de tous les signes du monde qui l’assaillent.



Il en résulte une ambiance déroutante, dérangeante, constamment malsaine, avec un meurtrier hagard, sans cohérence, qui finit par s’acharner sur la première famille croisée, dans une maison étrangement froide, vide et peu meublée, comme si elle reflétait les parois de son cerveau malade.



Le film, à l’occasion de plusieurs plans grotesques, distille même, parfois, une forme d’humour noir, perdu au milieu d’une ambiance glauque que rien ne vient sauver. C’est qu’il n’y a jamais, dans les images folles de Kargl, la moindre empathie, la moindre compréhension, la moindre proximité ou la moindre pitié pour le meurtrier qui n’est jamais rien d’autre qu’un monstre. La voix off du meurtrier, par exemple, qui nous plonge directement dans un abîme délirant, ne cherche pas à mettre le spectateur de son côté (comme peut le faire la voix d’Alex dans Orange mécanique).

Si ce film autrichien, au travers de cette représentation du mal radicale et impossible à éradiquer, a pu influencer son compatriote Haneke, c’est plutôt dans un film comme Henry, portrait d’un serial killer de J. McNaughton qu’on retrouve, par moment, le regard à la fois détaché et happant de Shizophrenia.


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