Lars Von Trier
débute son Melancholia avec un
prologue éthéré, très beau, porté par des images magnifiques et le prélude de Tristan et Isolde de Wagner. Ce prologue annonce,
d’emblée, la fin et il permet d’éprouver le film un peu comme une lente explosion,
et, en particulier, de ressentir toute la montée angoissante de la seconde
partie du film.
La première
partie évoque un Festen moins
électrisé (et moins jusqu'au-boutiste) et semble avoir pour but de dévitaliser toute espèce de
représentation sociale et de faire sortir du cadre, progressivement, toute la
société. Ainsi la seconde partie est un huis clos organisé autour de quatre
personnages dans le très beau domaine maintenant quasi désert.
De sorte que le
film apparaît comme un film catastrophe (et même comme le film catastrophe
ultime : la Terre va y passer) mais sans foule hurlante, sans flash info
anxiogène, sans gouvernement dépassé. À l’opposé, Melancholia est un film calme, de plus en plus calme, même, à
mesure que la menace augmente, avec de moins en moins de protagonistes. Si on retrouve l'énergie de la caméra à l’épaule dans la première partie, le rythme s’assagit et devient de plus en plus calme et serein, au fur et à mesure de l’imminence de la catastrophe.
Le film dynamite donc les codes du genre et prend un parti en tout point opposé : la fin du
monde est accueilli progressivement, au fur et à mesure de la compréhension de
ce qui se joue, selon les mouvements de la planète Mélancholia qui s’approche,
s’éloigne, et s’approche à nouveau. Et si, dans la première partie, Justine
semblait dépassée, hors de son propre mariage, et si c'est sa sœur Chléo qui cherchait à
tenir tant que faire se peut l’organisation du mariage, dans la seconde partie
c’est Justine, au fur et à mesure de l’imminence de la catastrophe, qui semble
de plus en plus apaisée. Il y a une syntonie entre son humeur mélancolique, la
Nature éclairée bientôt de façon surnaturelle, et la terrible beauté de la
planète grossissante. Et, en même temps que Justine s'apaise, la vie s’échappe
lentement : l’atmosphère devient irrespirable, il grêle, les chevaux
hennissent.
Lars Von Trier saupoudre son film de mille évocations : John Everett Millais (Ophélie), Albrecht Dürer (Melencolia I) ou encore Lucas Cranach (La mélancolie).
Ophélie de John Everett Millais (1851) |
La mélancolie de Lucas Cranach (1532) |
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