lundi 29 octobre 2018

Melancholia (L. Von Trier, 2011)




Lars Von Trier débute son Melancholia avec un prologue éthéré, très beau, porté par des images magnifiques et le prélude de  Tristan et Isolde de Wagner. Ce prologue annonce, d’emblée, la fin et il permet d’éprouver le film un peu comme une lente explosion, et, en particulier, de ressentir toute la montée angoissante de la seconde partie du film.
La première partie évoque un Festen moins électrisé (et moins jusqu'au-boutiste) et semble avoir pour but de dévitaliser toute espèce de représentation sociale et de faire sortir du cadre, progressivement, toute la société. Ainsi la seconde partie est un huis clos organisé autour de quatre personnages dans le très beau domaine maintenant quasi désert.


De sorte que le film apparaît comme un film catastrophe (et même comme le film catastrophe ultime : la Terre va y passer) mais sans foule hurlante, sans flash info anxiogène, sans gouvernement dépassé. À l’opposé, Melancholia est un film calme, de plus en plus calme, même, à mesure que la menace augmente, avec de moins en moins de protagonistes. Si on retrouve l'énergie de la caméra à l’épaule dans la première partie, le rythme s’assagit et devient de plus en plus calme et serein, au fur et à mesure de l’imminence de la catastrophe.



Le film dynamite donc les codes du genre et prend un parti en tout point opposé : la fin du monde est accueilli progressivement, au fur et à mesure de la compréhension de ce qui se joue, selon les mouvements de la planète Mélancholia qui s’approche, s’éloigne, et s’approche à nouveau. Et si, dans la première partie, Justine semblait dépassée, hors de son propre mariage, et si c'est sa sœur Chléo qui cherchait à tenir tant que faire se peut l’organisation du mariage, dans la seconde partie c’est Justine, au fur et à mesure de l’imminence de la catastrophe, qui semble de plus en plus apaisée. Il y a une syntonie entre son humeur mélancolique, la Nature éclairée bientôt de façon surnaturelle, et la terrible beauté de la planète grossissante. Et, en même temps que Justine s'apaise, la vie s’échappe lentement : l’atmosphère devient irrespirable, il grêle, les chevaux hennissent.


Ophélie de John Everett Millais (1851)
Lars Von Trier saupoudre son film de mille évocations : John Everett Millais (Ophélie), Albrecht Dürer (Melencolia I) ou encore Lucas Cranach (La mélancolie).


La mélancolie de Lucas Cranach (1532)
Enfin, en une splendide réponse au prologue, la dernière séquence est magnifique, presque magnétique, avec simplement Justine et l’enfant qui ont encore une force vitale, celle de construire une cabane magique, afin d’attendre sereinement la fin. La planète destructrice reste d’ailleurs longtemps hors-champ, sa menace terrible n’étant révélée qu’au travers des yeux de ceux qui la regardent et Lars Von Trier ne la dévoile qu’en toute fin de film, quand tout est achevé.

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