vendredi 2 novembre 2018

Henry, portrait d'un serial killer (Henry: Portrait of a Serial Killer de J. McNaughton, 1986)




Henry, portrait d’un serial killer prend le contre-pied de bien des films américains sur les tueurs en série. En effet il ne cherche ni à glorifier le tueur (comme dans Le Silence des agneaux qui lui prête une intelligence et un raffinement supérieurs), ni à mettre en scène les meurtres (Seven), ni à montrer une enquête qui avance pas à pas (Zodiac). Il ne montre pas non plus des scènes de ville classiques où un halo brumeux entoure un réverbère la nuit, alors qu’une femme au pas pressé se sent suivie. Non, ici il n’est pas question d’enquête ou de montées de tension et les meurtres sont traités le plus souvent comme autant d’ellipses. Et si c’est bien le tueur lui-même qui est scruté, il s’agit d’un tueur sans fard, sans artifice, qui partage un moment un appartement avec Becky et son frère Otis. Henry dont on ne saura à peu près rien (si ce n’est une histoire familiale épouvantable), qui tue sans cesse mais sans motivation particulière à l’encontre des victimes, qui sont choisies au hasard, comme elles se présentent (tout le monde, ici, peut être une victime).

Le film plonge alors dans un univers glauque, précaire et brutal, avec Otis, personnage complètement immature et égoïste et qui sera initié au meurtre par Henry. On verra Otis se repaître des films qu’il fait de ses propres meurtres. Certaines séquences jouent d’ailleurs avec le spectateur qui croit assister à un meurtre alors qu’en réalité il est du côté d’Otis, à regarder, comme lui, une cassette vidéo du meurtre commis auparavant. Dès lors c’est le malaise qui envahit le spectateur, qui a bien du mal à se distancier de cette ambiance d’autant plus que, Otis étant, dans sa bêtise antipathique, encore davantage repoussant, Henry devient le seul personnage auquel le spectateur puisse se rattacher.



Et le film n’abordant guère la cause (ni la conséquence) de ces meurtres, il laisse le problème complètement en suspens : Henry est en liberté et il tue, au hasard des rues. Il n’y a pas le commencement d’une enquête qui puisse laisser un espoir à la société qui héberge un tel monstre de s’en débarrasser.

Henry, portrait d’un serial killer par son austérité éprouvante, son absence d’empathie, son absence de clefs, aussi, pour comprendre les choses, se rapproche du Schizophrenia de G. Kargl où, là aussi, un monstre donnait libre cours à sa folie.

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