vendredi 13 mars 2020

Le Bonheur (A. Varda, 1965)




On sent, dans Le Bonheur, la volonté d’Agnès Varda de secouer le bel ordre social avec quelques années d’avance sur la révolution de mai 68 : son film, sous des dehors doucereux et sucrés, apparaît comme une provocation délibérée puisqu’il ne condamne pas l’infidélité conjugale et, même, la montre comme une normalité et une évidence simple.

Varda part d’une évocation du bonheur conjugal sur un ton qui est presque celui d’un conte : on plonge dans des clichés, mais des clichés que Varda va rapidement tordre puisque ce sera sur le même ton ensoleillé et naïf que la liaison de François sera filmée. Et, d’ailleurs, quand bien même le film ne se veut pas réaliste, on regrette l'humeur niaise et béate qui ne quitte jamais François. En parlant à son épouse de sa maîtresse et en tentant d’expliquer ses sentiments tout à fait benoîtement, ce pauvre François, du haut de sa niaiserie sucrée, ignore tout à fait les affects possibles (et évidents) qu’il ne manquera pas de provoquer chez sa femme. La critique sociale cède alors le pas au conte moral, mais cette fausse douceur sucrée est bien peu convaincante.
Si, sur le fond, Varda évoque Renoir (avec un extrait du Déjeuner sur l’herbe, et des séquences à la campagne qui renvoient à une Partie de campagne), la forme, à la didactique pesante, évoque bien plus Resnais ou Godard. On a droit à des plans de coupes métaphoriques, à des aplats de couleurs, à des mots saisis sur des panneaux publicitaires ou des enseignes, qui soulignent lourdement la trame narrative. Le montage, alors, de même que les choix marqués de réalisation, viennent plomber la légèreté recherchée du film.
Varda a néanmoins raison d’aller au bout de son idée : le film va très loin dans cette approche qui commence avec des amours qui s'additionnent, puis, la mort survenant, qui se soustraient, ce qui, nous dit Varda, permet de retomber sur ses pieds.




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