jeudi 23 avril 2020

Do the Right Thing (S. Lee, 1989)




Bien avant les prêchi-prêcha bien-pensants sur le « vivre-ensemble » (néologisme inventé quand la question a commencé à désespérer de sa réponse), Spike Lee brosse le portrait d’un quartier de Brooklyn, avec ses habitants et, surtout, les équilibres précaires entre communautés.
Il circonscrit la ville à quelques rues et restreint l’action à quelques groupes : les Noirs, les Italiens, les Coréens et, faisant irruption, les bad cops blancs. Et il met en scène son petit monde dans une atmosphère étouffante, qui va entrer progressivement en ébullition.
Et c’est avec une esthétique hip-hop assez innovante (le film épouse les codes musicaux du quartier qu’il met en scène) que Spike Lee donne la parole à chacun et se permet un ton tragi-comique avant que le film ne bascule vers l’émeute et la révolte urbaine.



Le cœur du cœur du problème, nous dit Spike Lee, reste l’impossible communication qui fait exploser les rages contenues. Le Coréen qui parle si mal anglais, la radio hurlante qui empêche de parler. Tout part de malentendus, d’incompréhensions qui s’incrémentent. Ces incompréhensions se cristallisent par l’image pour Sal dans sa pizzeria, avec les photos qu’il a affichées au mur et qui seront les premières étincelles décisives, ou par la musique avec Jackson le présentateur radio et, bien sûr, Rakeem qui ne quitte jamais sa radio hurlante.

Spike Lee se place au cœur de l’explosion de violence, à travers son personnage de Mookie qui, jusqu’alors, était davantage un trait d’union entre communautés (un Noir qui travaille chez les Italiens). Mookie est aussi l’occasion de filmer des moments doux, sensuels, que ce soit dans la rue, entre voisins, ou entre amoureux. Mais c’est aussi lui qui, après l’intervention dramatique des policiers, alors que l’instant était suspendu et que tout pouvait encore se calmer (1), met définitivement le feu aux poudres lors de l’émeute (fait-il, alors, « the right thing ? »). L’émeute, alors, se déchaîne contre la pizzeria de Sal. Mais comment exprimer sa colère contre des flics blancs qui ne font que passer, tuer et repartir ?
S’il donne bien des circonstances atténuantes aux Noirs ou aux Italiens, le regard du réalisateur sur les policiers blancs est lapidaire. La référence au prêche célèbre de Mitchum de La Nuit du chasseur (avec Radio Raheem et ses bagues en coup de poing américain qui le rejoue face caméra) prend alors tout son sens en désignant clairement les forces du mal.



Cette question du geste de Mookie reste en suspend jusqu’aux deux citations qui ferment le film, l’une de Martin Luther King et l’autre de Malcolm X, qui disent combien la réponse violente ou non-violente aux exactions est au cœur des questions de Spike Lee. Celui-ci continuera d’ailleurs à creuser la question (que faire face aux violences des Blancs contre les Noirs ?) de Malcolm X à BlacKkKlansman.
Spike Lee est ainsi plus que jamais d’actualité aux Etats-Unis puisque les dernières élections présidentielles se sont cristallisées autour de ces questions ethniques, avec Obama d’abord et avec Trump, plus encore, ensuite. On remarquera aussi que, s’il est un cinéaste très engagé, il réalise néanmoins des films qui ne sont pas des caricatures lourdes et vaines, mais qui cherchent à exposer avec une certaine volonté de nuances (au moins sur certains points) des situations sociales et communautaires complexes.



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(1) : Ce moment de suspension avant que tout bascule évoque la fameuse séquence finale de La Horde sauvage où, là aussi, le carnage aurait pu être évité.


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