Martin Scorsese, grand réalisateur de films pulsionnels, mettant si souvent en scène des personnages à l’énergie
débordante, avec un trop plein qui se libère typiquement dans la violence (de Taxi Driver aux Affranchis) ou dans une agitation folle et mortifère (de A tombeau ouvert au Loup de Wall Street), semble à chaque fois vouloir pousser plus loin
une question lancinante : comment dépenser son trop plein d’énergie ?
Scorsese avait donc atteint une forme d’acmé avec l’impulsif et dopé Loup de Wall Street, et l’on s’interrogeait sur la suite, s’il allait pouvoir aller plus loin encore. Sur ce point la réponse arrive dès le titre du film : Scorsese n’ira pas plus loin, au contraire. Il n’est plus question d’explosion d’énergie et de débordement, mais bien plus d’introspection.
Scorsese avait donc atteint une forme d’acmé avec l’impulsif et dopé Loup de Wall Street, et l’on s’interrogeait sur la suite, s’il allait pouvoir aller plus loin encore. Sur ce point la réponse arrive dès le titre du film : Scorsese n’ira pas plus loin, au contraire. Il n’est plus question d’explosion d’énergie et de débordement, mais bien plus d’introspection.
Dès lors, on
comprend que Silence soit un film long
et lent, méditatif et sombre, empreint de réflexion sur soi.
Silence est un remake très fidèle du film du
même nom de Masahiro Shinoda, datant de 1971, dont il reprend la trame (même si
Scorsese commence son film plus tôt dans le récit, avant le départ des deux
jésuites pour le Japon) et où la différence fondamentale est en réalité un
retournement ontologique : le premier est réalisé par un Japonais (on y
voit même un acteur japonais grimé en occidental, ce qui surprend et amuse,
Hollywood ayant fait le contraire régulièrement), et le second par un
Américain. Dans cette histoire de l’échec de l’implantation du christianisme
occidental au Japon, ces deux points de vue opposés, s’ils prennent tout leur
sens, se révèlent en réalité en toute fin de film, lorsque Scorsese parvient à
glisser un doute dans l’abjuration de Rodrigues. Si l’échec collectif est
patent, il sauve ainsi l’âme de Rodrigues.
L’âpreté du film
est aussi le silence de Dieu. Face à la douleur, face aux martyrs, face aux
injonctions d’abjuration, Dieu ne répond pas : là est le silence. Les
prêtres restent désespérément seuls. Mais le sens de la foi c’est de faire avec
le silence de Dieu.
Quelques
remarques sur cet échec religieux. Il faut dire que l’on reste un peu
perplexe sur la démarche des deux jésuites. D’une part comment peut-on
espérer convertir une population – quand bien même on est animé de la foi la plus
profonde – sans passer la barrière de la langue ? C’est que les prêtres ne
parlent pas le japonais et ne se tourneront vers le Japon en tant que langue et
culture qu’après leur apostasie. Cela montre, d’une certaine façon, qu’ils ne
viennent que pour transmettre leur foi : tout à leur foi et à leur
Vérité, ils ne comprennent pas les Japonais. On notera que, dans le film de
Shinoda, si les prêtres parlent anglais entre eux, ils parlent japonais aux
Japonais.
De la même
façon, le bagage historico-religieux des prêtres semble bien léger puisque face
au choix terrible du martyre ou de l’apostasie, Garupe et Rodrigues ne sont pas
d’accord entre eux, alors qu’il était évident que la circonstance allait se
présenter (comme elle s’est présentée partout où des missionnaires ont pu se
rendre).
Ils ont à faire
face à un pouvoir japonais (représenté par l’Inquisiteur) remarquablement
affuté et intelligent, quand bien même il est aussi cruel. Il connaît
parfaitement les implications politiques de la religion, à la différence des
deux prêtres, qui ne peuvent donc pas comprendre profondément leur rejet.
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