Si le film a eu
un grand retentissement lors de sa sortie, c’est autant par la mort prématurée
du réalisateur (décédé tragiquement du SIDA juste avant la sortie en salle) que
par le sujet lui-même, qui vient mettre sur le devant de la scène la question
alors assez neuve du SIDA. Mais, passé ce double effet de circonstances, le
film, aujourd’hui, apparaît vieilli et bien décevant.
Formellement le
film est assez brouillon et l’on ne sent pas du tout ce que l’on s’attend à y
trouver : une pulsion d’énergie, un ressenti à vif qui fait vibrer le monde.
C’est ce que l’on s’attend à y trouver parce que c’est ce que le film
raconte : une histoire d’écorché vif, qui prend la vie comme elle lui
vient, confondant vitesse et précipitation, mais happant ce qu’il peut de
l’amour autour de lui, des corps, des énergies, tant qu’il est encore temps. Et
qu’importent les ravages qu’il peut faire, des douleurs qu’il laisse, des
personnages vidés qu’il épuise.
Le SIDA lui-même
n’est pas directement traité – on ne voit que quelques moments médicaux et pas
d’affaiblissement dû à la maladie – mais il présent à chaque instant, comme une
partie intégrante de l’être et comme responsable des actes de Jean (ce que l’on
peut discuter : Jean avait-il vraiment un comportement et un rapport à
l’autre différents avant d’être infecté par le virus ?). Cette
absence/présence est très bien rendue.
Le film mélange aussi
avec facilité de nombreux personnages mais sans que, des images, l’énergie ne
pulse réellement. La faute sans doute à Cyril Collard réalisateur qui ne
parvient pas à remplir l’image de ce qu’il ressent. Et c’est aussi, sans doute,
Cyril Collard acteur (il incarne Jean, double revendiqué du réalisateur) qui
manque cruellement de personnalité, empêchant le film de distiller énergie et
émotion.
Il faut dire
aussi que l’égoïsme semble un fil conducteur bien constant et que l’on comprend
bien davantage les souffrances de ceux qui l’entourent que la souffrance de
Jean lui-même : il ne la fait pas ressentir, se défaussant, disant à qui
veut l’entendre – aussi bien les personnages autour de lui que les spectateurs
– que, si l’on n’a pas le SIDA, on ne peut pas le comprendre. Certes mais alors
que veut dire le film ? Pourquoi le cinéma ? Que lui apporte ce
médium s’il ne peut s’y exprimer davantage ? On tient là, peut-être, ce
qui manque au film. Et l’argument que l’on entrevoit le temps d’une réplique et
qui pourrait propulser le film (« le SIDA peut t’apprendre à aimer »)
est laissé soigneusement de côté.
On préférera
sans doute, sur le même thème (mais avec un souci de reconstitution
historique), 120 battements par minute
dont le titre, pour le coup, dit bien combien on ressent, davantage que dans Les Nuits fauves, le cœur qui fait ce qu’il
peut pour battre encore et toujours.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire