jeudi 1 octobre 2020

La Mafia fait la loi (Il giorno della civetta de D. Damiani, 1968)

 


Très bon film de Damiano Damiani, qui filme la Sicile écrasée par le soleil autant que par l’omerta, qui règne sans partage sur les villes, les villages et les campagnes. Damiani fouille les rapports de force, l’intégrité inutile du policier, la lâcheté des uns, la corruption des autres et, partout, le silence. Lee J. Cobb (étrange sonorité américaine dans ce monde sicilien) campe un parrain intouchable qui, dans une certaine mesure, annonce le Corleone de Coppola, en utilisant à foison son fameux rictus (déjà à l’œuvre avec un rôle similaire dans Traquenard de N. Ray). Et Damiani saisit parfaitement le désespoir des familles cadenassées, malgré leurs douleurs, par la peur de parler.
L’évolution du capitaine Bellodi – avec sa belle intégrité et ses ambitions qui se délitent petit à petit, de même que son allure, de moins en moins fringante et impeccable – accompagne sa compréhension progressive de la Sicile, lui l’homme du Nord de l’Italie, qui se heurte sans cesse au silence et au refus de collaborer. Et, à ce silence, répond une surveillance constante de tous par tous, avec toujours une profondeur dans le champ, un volet entre-ouvert ou un cadre dans le cadre qui permettent un regard, une observation dérobée. Cette tension, renforcée par la chaleur emplie de sueur, est menée impeccablement tout au long du film.
Le style de Damiani, aux accents naturalistes parfois plus grotesques, est typiquement italien et sa façon de mettre en scène le décor – avec son soleil de plomb, ses collines désolées, ses maisons isolées ou ses routes sinueuses – donne au film des relents de western et l’entraîne vers une minéralité qui achève de figer les éléments, inamovibles dans leur tradition, où rien ne se dit et rien ne bouge.
L’architecture même de la ville, avec la villa des parrains d’un côté de la place et le commissariat de l’autre côté, où chacun épie l’autre, rappelle les face-à-face des tout premiers westerns italiens.
Et puis, il faut bien dire, en face de Franco Nero en flic intègre et propre sur lui (ce qui change des desperados qui ont fait sa gloire), il y a Claudia Cardinale, en jeune mère de famille éplorée, italienne et sensuelle, à la fois au centre de tous les désirs et de toutes les diffamations.


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