L'idée du montage interdit –
proposée par André Bazin dans un article repris dans son ouvrage fondateur Qu’est-ce que le cinéma ? – suggère que,
dans certains cas, « quand l’essentiel d’un évènement est dépendant d’une
présence simultanée de deux ou plusieurs facteurs de l’action, le montage est
interdit ». C’est un plan qui peut arriver en fin de séquence puisque,
nous dit Bazin, « il authentifie
rétrospectivement tous les plans antérieurs ».
Chaplin s’y
soumet par exemple dans Le Cirque, lorsque
Charlot se trouve enfermé dans une cage avec un lion. Si la séquence est
composée de nombreux plans où l’on ne voit que Charlot et d’autres avec uniquement
le lion, on voit aussi, dans plusieurs plans larges ad hoc, Charlot et le lion ensemble dans la cage. Pour que la séquence fonctionne, ce plan est essentiel.
Mais l’on s’amuse de voir dans tel ou tel film que, malgré « l’interdiction », le réalisateur ne peut se passer du montage. On pense à Arènes sanglantes où le pauvre Mamoulian, qui doit montrer Tyrone Power en matador face au taureau, n’a pas d’autres choix que de recourir au montage. Il n’est pas question de mettre, de face et en plan rapproché, la star et la bête ensemble dans le champ : le montage reste la seule solution. Et, comme le prévoit Bazin, la séquence en question devient très artificielle et incomplète (Bazin encore : « certaines situations n’existent cinématographiquement qu’autant que leur unité spatiale est mise en évidence »). On sent bien qu’il manque quelque chose pour que l’on y croie. Le montage ici, paradoxalement, est une négation du cinéma : il eût fallu ne pas monter.
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