Film assez
classique et sans grande passion de Rouben Mamoulian dont il reste bien peu du style. C’est surtout par l’utilisation de la couleur qu’il s’exprime, avec
des compositions parfois très picturales. Mais il y a trop peu d’émotion, malgré
la distribution attirante, puisqu’on y trouve Tyrone Power en matador époux de
la douce Linda Darnell qui se trouve tenté par la vénéneuse Rita Hayworth. L’architecture
du scénario est très classique et, finalement, assez décevante.
Et Arènes sanglantes se heurte, par
ailleurs, à un double écueil. D’une part la corrida que nous montre le film se
résume à quelques passes. Même s’il ne s’agit pas de montrer toutes les étapes
et tous les détails de la corrida, ici on ne verra pas la moindre goutte de
sang. On comprend bien que – code Hays oblige – c’est à coup de hors-champs ou
d’ellipses que la mort du taureau doit être filmée. Mais la contrainte saute aux yeux
puisqu’on ne voit rien, finalement, de ce qui vaut au matador d’être acclamé.
D’autre part, comme
le film est centré sur un matador, surgit inévitablement le problème de le montrer
en action. Mais on comprend qu’il est bien difficile de demander à Tyrone Power
d’affronter lui-même un taureau. On est alors en face d’un cas de montage interdit qui sera transgressé : jamais on ne verra, de façon nette et
précise, l’acteur face au taureau. On voit un matador de dos ou en plan large, ou
bien l’on voit Tyrone Power de près mais sans le taureau. Bien entendu
Mamoulian ne pouvait faire autrement mais l’artificialisation de la séquence –
artificialisation créée par le montage – saute aux yeux. Pour y croire il
aurait fallu montrer – mais la chose n’est pas possible – Tyrone Power et le
taureau ensemble à l’image.
Sur ces deux
points, l’écart avec Le Moment de la
vérité de Francesco Rosi est particulièrement criant : celui-ci résout le premier problème en ne cachant
rien de ce qui arrive au taureau et le second problème en choisissant un acteur
qui est d’abord un matador. Et tandis que le film hollywoodien pâtit d'une lourdeur et d'une artificialité qui le vident de toute
substance, chez Rosi, on sent une tension pulsionnelle poindre dès
l’entrée dans l’arène.
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