lundi 4 janvier 2021

Arènes sanglantes (Blood and Sand de R. Mamoulian, 1941)

 

Film assez classique et sans grande passion de Rouben Mamoulian dont il reste bien peu du style. C’est surtout par l’utilisation de la couleur qu’il s’exprime, avec des compositions parfois très picturales. Mais il y a trop peu d’émotion, malgré la distribution attirante, puisqu’on y trouve Tyrone Power en matador époux de la douce Linda Darnell qui se trouve tenté par la vénéneuse Rita Hayworth. L’architecture du scénario est très classique et, finalement, assez décevante.
Et Arènes sanglantes se heurte, par ailleurs, à un double écueil. D’une part la corrida que nous montre le film se résume à quelques passes. Même s’il ne s’agit pas de montrer toutes les étapes et tous les détails de la corrida, ici on ne verra pas la moindre goutte de sang. On comprend bien que – code Hays oblige – c’est à coup de hors-champs ou d’ellipses que la mort du taureau doit être filmée. Mais la contrainte saute aux yeux puisqu’on ne voit rien, finalement, de ce qui vaut au matador d’être acclamé.
D’autre part, comme le film est centré sur un matador, surgit inévitablement le problème de le montrer en action. Mais on comprend qu’il est bien difficile de demander à Tyrone Power d’affronter lui-même un taureau. On est alors en face d’un cas de montage interdit qui sera transgressé : jamais on ne verra, de façon nette et précise, l’acteur face au taureau. On voit un matador de dos ou en plan large, ou bien l’on voit Tyrone Power de près mais sans le taureau. Bien entendu Mamoulian ne pouvait faire autrement mais l’artificialisation de la séquence – artificialisation créée par le montage – saute aux yeux. Pour y croire il aurait fallu montrer – mais la chose n’est pas possible – Tyrone Power et le taureau ensemble à l’image.

Sur ces deux points, l’écart avec Le Moment de la vérité de Francesco Rosi est particulièrement criant : celui-ci résout le premier problème en ne cachant rien de ce qui arrive au taureau et le second problème en choisissant un acteur qui est d’abord un matador. Et tandis que le film hollywoodien pâtit d'une lourdeur et d'une artificialité qui le vident de toute substance, chez Rosi, on sent une tension pulsionnelle poindre dès l’entrée dans l’arène.


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