Très grand film
de gangster, au format monstre (presque trois heures), Heat reprend des thèmes classiques du genre (de nombreuses scènes
d’action, un groupe de criminels qui se constitue, plusieurs braquages – dont
l’un extraordinaire –, un policier obstiné, etc.) complétés par les motifs
habituels du réalisateur.
Mann déploie en
effet son esthétique singulière, avec des tons numériques francs, une musique
lente et des accélérations brusques, des séquences de nuit, des plans tantôt
coulés, tantôt heurtés, n’hésitant pas à convoquer des teintes inspirées par la
télévision ou la publicité. Cet ensemble typique du réalisateur ancre dans
l’humeur de son temps ce film aux ressorts classiques. Et c’est précisément ce
ton général de l’image qui fait de Michael Mann un des réalisateurs les plus
influents du cinéma américain, en ce qu’il donne le la de l’esthétique des
films d’action.
Michael Mann
continue aussi d’aborder ses thèmes favoris. Il peint en effet dans son film
deux personnages, qu’il construit en parallèle tout au long du film et qui sont
à la fois infiniment semblables et comme les deux faces irréconciliables d’une
pièce. Ils sont tous les deux présentés comme de grands professionnels, chacun
dans leur genre (un grand braqueur versus
un super-flic) tout en vivant, l’un et l’autre, chacun à leur façon, une vie
qui ne leur convient pas. Le montage en parallèle, avec l’un qui suit l’autre,
est très réussi. De même que leurs vies creuses, montrées comme inexorablement
vaines. En dehors de leurs qualités professionnelles
(réussir de grands braquages, coincer de grands bandits), leurs vies sont
absolument vides. L’un et l’autre savent ce qu’il en est, ils sont pareillement désabusés. Images classiques chez Mann, les personnages, à un moment
donné, semblent sortir du cadre, leurs regards se perdent au loin : ils ne sont
pas là où ils souhaiteraient être.
Il s’agit de la première rencontre entre Robert De Niro et Al Pacino (ce dernier, au jeu trop souvent forcé, est parfait ici), qui s’étaient croisés dans Le Parrain II mais ne partageaient pas de scènes. Mais, dans la belle séquence de la cafétéria, lorsque les deux stars se retrouveront enfin face à face, Michael Mann, sans la moindre concession à la facilité ou au plaisir du spectateur, ne filmera pas un seul plan où il les tiendra ensemble. Il les filme dans des impitoyables champs-contrechamps.
Ce n'est que lors de l'affrontement final que, au tout dernier moment, ils se partagent le cadre, quand il est trop tard pour les personnages. Et le film se conclut sur un extraordinaire gros plan sur le visage du flic Al Pacino, à jamais seul, condamné à courir sans cesse, pour tuer ses alter egos.
Michael Mann, comme souvent, retravaille des motifs hérités de Jean-Pierre Melville. On retrouve d'ailleurs une scène directement issue du Deuxième souffle (quand Al Pacino, après le premier braquage, le reconstitue, comme le faisait Paul Meurisse chez Melville). Heat est ainsi une forme de remake du Cercle rouge : on y retrouve les mêmes personnages – professionnels appliqués, taiseux –, les mêmes amitiés virils, les mêmes codes d'honneur, la même solitude chez le commissaire Mattei comme chez les truands. Et si le film de Melville montre l'un des plus beaux casses de l'histoire du cinéma de façon tout à fait muette, Mann fait du casse au cœur de son film l'un des plus bruyants du cinéma ! Et Le Cercle rouge, déjà, se terminait sur un gros plan du commissaire qui, dans le duel final, venait de tuer son vieil ami Jansen, ancien flic qui, pour sa fierté, avait participé au casse.
Il s’agit de la première rencontre entre Robert De Niro et Al Pacino (ce dernier, au jeu trop souvent forcé, est parfait ici), qui s’étaient croisés dans Le Parrain II mais ne partageaient pas de scènes. Mais, dans la belle séquence de la cafétéria, lorsque les deux stars se retrouveront enfin face à face, Michael Mann, sans la moindre concession à la facilité ou au plaisir du spectateur, ne filmera pas un seul plan où il les tiendra ensemble. Il les filme dans des impitoyables champs-contrechamps.
Ce n'est que lors de l'affrontement final que, au tout dernier moment, ils se partagent le cadre, quand il est trop tard pour les personnages. Et le film se conclut sur un extraordinaire gros plan sur le visage du flic Al Pacino, à jamais seul, condamné à courir sans cesse, pour tuer ses alter egos.
Michael Mann, comme souvent, retravaille des motifs hérités de Jean-Pierre Melville. On retrouve d'ailleurs une scène directement issue du Deuxième souffle (quand Al Pacino, après le premier braquage, le reconstitue, comme le faisait Paul Meurisse chez Melville). Heat est ainsi une forme de remake du Cercle rouge : on y retrouve les mêmes personnages – professionnels appliqués, taiseux –, les mêmes amitiés virils, les mêmes codes d'honneur, la même solitude chez le commissaire Mattei comme chez les truands. Et si le film de Melville montre l'un des plus beaux casses de l'histoire du cinéma de façon tout à fait muette, Mann fait du casse au cœur de son film l'un des plus bruyants du cinéma ! Et Le Cercle rouge, déjà, se terminait sur un gros plan du commissaire qui, dans le duel final, venait de tuer son vieil ami Jansen, ancien flic qui, pour sa fierté, avait participé au casse.
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