Remarquable film de Pedro Almodovar qui
parvient, avec brio, à passer d'un thème à l'autre et, même, d'un genre à
l'autre. Cette réussite met en avant ses qualités de conteur proprement
exceptionnelles. En effet il parvient ici à mélanger tour à tour, le film
fantastique, le film de vengeance, le film de séquestration, le mélodrame, pour
se clore en film noir. Ce mélange passe facilement pour le spectateur qui
s'attache d'abord à Robert, avant de comprendre ce qui s'est réellement passé
et de s'attacher à Véra/Vicente. Cette facilité pour le spectateur de suivre
les méandres de l'histoire proposée et de passer, ainsi, d'un personnage à l'autre
est stupéfiante.
Sans qu'il y ait de référence
explicite à des films (ce qui est le cas habituellement chez Almodovar), on
pense évidemment aux Yeux sans visage
de Franju où un père essaye, là aussi, de reconstruire un visage, de même qu'à Vertigo puisque Robert façonne Vincent à
l'image de sa femme décédée.
Mais ici plusieurs thèmes viennent
s'entremêler. On retrouve la question classique chez Almodovar de l'inversion des
sexes, mais teintée de noirceur avec la double vengeance qui s'y exprime (celle
de Robert sur Vincent, puis celle de Vincent/Véra sur Robert). A cette double
vengeance, révélée assez tard, Almodovar n'hésite pas à multiplier l'épaisseur
de son récit, non pas en multipliant les emboîtements comme dans d’autres de
ses films (Tout sur ma mère par
exemple) mais en raccordant plusieurs pistes, plusieurs ambiances (une
première, froide et technologique, puis d'autres, plus chaudes). L'irruption du
lubrique et violent Tigro (dans une séquence qui évoque Kika) déclenche ensuite tout ce qui était condensé, en
suspens et que le spectateur ignore encore : les relations filiales, la
vengeance de Robert, les deuils impossibles, etc.
Formellement, Almodovar est fidèle à lui-même : il garde son style brillant, plastiquement très riche, visuellement abouti et sûr de lui.
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