Film OVNI de Marco Ferreri, qui lâche volontiers la bride à Michel
Piccoli et laisse son personnage de Glauco occuper l’écran et passer ce moment
seul, tandis que sa femme s’est endormie à coup de somnifères, à errer dans sa
cuisine, regarder la télé, se projeter le film de ses vacances et, bien sûr,
découvrir ce révolver rouillé, le dégraisser – tout en faisant la cuisine, avec
son petit tablier rouge –, le repeindre, tout cela sans trop y penser, sans
réelle intention. Ferreri capte parfaitement ce temps mort de la vie de ce
cadre, rentré du boulot, seul et désœuvré.
Dillinger est mort est un film éminemment moderne, construit autour de ce personnage qui
parle peu, qui agit à peine et ne sort guère du trivial. Glauco, seul et
désœuvré, n’est pas loin du « je sais pas quoi faire » de Pierrot le fou. Glauco tourne en rond et
s’occupe comme il peut, sans y être, sans passion, il se prépare un repas, s’accoquine
avec la bonne, retape un vieux révolver, s’invente des choses à faire.
Ferreri, en fait, gratte le faible vernis qui recouvre la
civilisation. Il inspecte d’un peu plus près ce qui empêche – ou ne parvient
pas à empêcher – un homme d’être barbare, ce qui l’aliène, ce qui le rend fou. Et ce qui le rend fou, nous dit Ferreri, c'est la vie qui n’a pas de sens, c'est la solitude. Ces coups
de sonde tombent juste et prennent parfaitement la température d’un moment,
d’une époque, d’un personnage.
Et Ferreri emplit son film d’images étranges, constamment en décalage, avec cette couleur rouge qui
revient sans cesse par petites tâches, ces masques à gaz, le visage absent de Piccoli.
Et, à mesure que ces moments s’accomplissent sans aucune signification, le film
se remplit curieusement de vide, ce vide abyssal et angoissant de la solitude.
La fin, comme une fulgurance jetée à la face du monde,
toujours sans motivation et sans signification, cristallise le terrible regard
porté par Ferreri sur le monde qui l’entoure.
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