mardi 10 mars 2020

Coincoin et les Z'inhumains (B. Dumont, 2018)




Cette suite de l’excellente mini-série P’tit Quinquin s’amuse à reprendre, quatre ans plus tard, le même format (quatre épisodes d'environ trois quarts d'heure, que l'on peut voir comme un long film), les mêmes lieux et les mêmes personnages. Elle change cependant le thème : ce n’est plus un meurtrier en série qui sévit, mais ce sont d’étranges manifestations extraterrestres qui se produisent, d’abord de façon curieuse (une matière visqueuse qui tombe du ciel) puis en alliant beaucoup plus franchement la science-fiction au loufoque (avec les clones qui apparaissent). Le film, alors, de façon étrange, lorgne carrément du côté de L’Invasion des profanateurs de sépultures, qui se trouve revisité, de façon comique et délirante, bien loin de son ton d'origine (ce film – de même que ses différents remakes – pose un regard terriblement noir et désenchanté sur le monde). Mais le cinéma a besoin de remakes réguliers des Body Snatchers (ou disons que chaque époque se doit d'actualiser les leçons du film) : Coincoin en est une resucée française incongrue et étonnante.

Dumont, cependant, ne retrouve pas toujours l’équilibre qu’il avait atteint dans P’tit Quiquin : ce mélange difficile du loufoque et du grotesque, mais mâtiné de poésie, de douceur et d’étrangeté, bascule par moment d’un côté ou de l’autre : tantôt il va trop loin dans le grotesque, tantôt il force certains personnages, tantôt il exagère certaines situations.
Mais on retrouve avec plaisir l’improbable duo de flics, qui s’en donne à cœur joie, avec les multiples  « c’est quoi c’bordel Carpentier ? » du commandant auxquels répondent les cabrioles du lieutenant avec sa voiture. Et, distillant la même variété de motifs que dans P’tit Quinquin, Dumont distille un ton un peu triste, en particulier autour de Coincoin (Quinquin devenu grand adolescent) et de ses amours désenchantées et touchantes.



Le film prend aussi une coloration nettement politique, d’une part avec le problème des migrants qui est clairement abordé (on visite un bidonville empli de migrants en compagnie des deux compères ; Coincoin fait partie d’un groupe identitaire d’extrême-droite) et au travers de ces groupes d’étrangers (migrants coincés dans la Nord) qui passent et repassent, contemplant avec un mélange de stupeur et de curiosité la vie de ces Français qui s’agitent. Et la mise en abyme du problème est très nette avec ce problème d’aliens qui envahissent le territoire : la réaction face à ces z’inhumains est la même, décuplée, que celle face aux étrangers que Van der Weyden, qui n’aime rien tant que dégainer son arme à tout bout de champ, fait déguerpir en tirant en l’air…



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