Les Misérables cherche à dresser un portrait
d’une banlieue française, exercice régulier dans le cinéma français, depuis Le bruit et la fureur en passant par La Haine. Et, à chaque fois, il y a
comme une volonté d’une « mise à jour réaliste » qui se veut toujours
une nouvelle révélation de ce qu’est vraiment la banlieue. D’ailleurs Ladj Ly a
construit son film à partir de différents événements qui viennent du vécu du
réalisateur dans la banlieue, depuis le vol d’un lionceau dans un cirque jusqu’au
guet-apens final.
La longue
introduction, qui présente de nombreux personnages, sert à inscrire cette « réalité »
de la cité dans l'instabilité des équilibres qui la régissent. Il prend même le
soin d’un personnage-relais qui est le prétexte habituel pour tout expliquer à celui qui ne sait
rien : Stéphane, le flic qui débarque, sera celui dont on épouse le regard. Ly joue d’ailleurs avec ce rôle de témoin puisqu’il en introduit un
second, qui est le témoin non plus de la cité mais de l’histoire : Buzz – qui est son propre fils – dont le drone survole la cité et qui observe
toute la dernière séquence à travers l’œilleton de la porte.
Dans ces
équilibres qu’il décrit, le film est certes moins caricatural que Dheepan (il est difficile de faire pire), mais il reprend néanmoins des personnages classiques ou déjà vus, à commencer par l’opposition
bon flic/mauvais flic, qui est au cœur du film. Il montre aussi un personnage
de maire qui n’en est pas un (et l’on pense alors à Do the Right Thing de Spike Lee, qui montrait déjà un curieux
personnage surnommé Da Mayor), ce qui est aussi une façon de mettre en demeure le
pouvoir politique, faussement présent, en réalité absent, donc, de ces équilibres précaires.
Mais tout cela montre
une banlieue finalement très proche de l’image que l’on peut s’en faire, même
si le film écarte totalement la question de la drogue (qui était, notamment, au
centre de Dheepan). On sent que Ly ne
réalise pas un film qui fâche (comme avaient pu le faire, chacun à leur manière
Brisseau ou Kassowitz) en mettant en avant, de plus en plus à mesure que le film
avance, l’injustice subie par des innocents (les enfants). Il identifie
d’ailleurs Issa à Gavroche, comme une version moderne du gamin des rues, et sur
lequel tire le policier (au flash-ball certes). Et le film va jusqu’à la
révolte des enfants contre les méchants flics, mais aussi contre toutes les
factions qui composent la cité. Et il se termine en suspens (un peu comme dans La Haine), opposant Gavroche et le
gentil flic, en une didactique peu originale et beaucoup trop appuyée.
Ly filme avec
énergie mais sans grande pulsion interne. Et l’on mesure d’ailleurs l’écart
esthétique avec Do the Right Thing
(qui est l'un des grands films de banlieues) où Spike Lee construisait une
esthétique qui répondait à ce qu’il filmait. A l’époque c’était une vraie
nouveauté, maintenant cela paraît beaucoup plus banal.
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