lundi 8 juin 2020

Funny Games (M. Haneke, 1997)





Film volontiers très dérangeant de Mickael Haneke, qui réussit à mettre le sujet de la violence – et surtout celui du spectateur face à la violence – au cœur du débat. C’est que Funny Games, à l’instar d’Orange mécanique ou de Tueurs nés, est un film qui prend la violence pour sujet.
Pour développer son idée, Haneke joue sur deux ressorts. Tout d’abord la très grande violence que déchaînent les deux jeunes adultes sur la pauvre famille est toute à fait gratuite : celle-ci n’a rien fait à ceux-là qui puisse justifier ou expliquer le sort qu’ils leur réservent. C’est là, bien entendu, la source d’un grand malaise : en tant que spectateur, on a besoin que la violence, quand elle se déchaine, soit motivée. Mais tout cela est tout à fait gratuit et Haneke la filme aussi comme tout aussi inéluctable (comme le prouve la séquence où le film est rembobiné par l'un des tueurs, pour « sauver » son comparse, tué juste avant par la femme qui avait réussi à mettre la main sur un fusil).
Autre pièce importante du (mini)puzzle proposé par Haneke : c’est la place donnée au spectateur. Tout à coup, alors que les deux adolescents sont dans leurs jeux d’horreur, l’un d’eux se tourne vers l’écran et fait un clin d’œil, délibérément, au spectateur dans la salle. Cette relation de complicité forcée est une place que Haneke construit pour le spectateur et l’y assigne. Un peu comme Hitchcock pouvait le faire (on se souvient de la chaise collée à l’écran et restée vide, dans La Mort aux trousses, lors d’une réunion des agents secrets : c’est bien sûr la chaise du spectateur), mais là où Hitchcock jouait sans cesse avec le spectateur, tournait autour de lui, lui donnant des indices que le héros n’a pas, lui en cachant d’autres, détruisant son identification ou la détournant, Haneke reste plus linéaire et moins complexe : avec le clin d’œil à la caméra, le spectateur est complice. Complice du crime, complice de la violence. Haneke joue un peu sur le même ressort que C’est arrivé près de chez vous de Belvaux, où les documentaristes d’abord uniquement témoins deviennent peu à peu complices puis acteurs des meurtres.
Nous sommes tous coupables nous dit Haneke (il le redira dans Le Ruban blanc, et discutait déjà de la culpabilité des images dans Benny’s video). Cette thématique de la culpabilité rejoint celle de Fritz Lang, notamment, mais qui la traitait de façon beaucoup plus interrogative et, par là-même, beaucoup plus complexe (par exemple dans L’Invraisemblable vérité, où la question de l’identification est entièrement à revoir lors du twist final). Chez Haneke les choses restent frustres et radicales, sa didactique ne s’embarrasse guère de subtilités.



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