Magnifique adaptation du roman de
Stevenson, sans doute la plus réussie parmi les nombreuses versions qui se sont
succédé (1). Il exprime la volonté de la Paramount de s'immiscer dans la
course à l'horreur et aux monstres, aux côté des Dracula, Frankenstein et
autres Freaks.
Gothique
à souhait – avec la très belle ouverture à l'orgue sur une figure de
Bach – le film fait exploser à l'écran le style de Robert Mamoulian,
depuis la première séquence en caméra subjective, jusqu'aux jeux de
surimpressions magnifiques – lorsque Jekyll est hanté par la prostituée – en
passant par les transformations de Jekyll en Hyde, dont la première, une
séquence éblouissante. Mamoulian y intègre dans un plan séquence très mobile
autour d'un miroir, pour jouer de la découverte, par Jekyll lui-même autant que
par le spectateur, de sa transformation en Hyde.
La volonté d'innovation de Mamoulian se marie très bien avec l'histoire fameuse de cette dichotomie entre la vertu et le vice, dichotomie que le film mélange progressivement avec habileté. Frederic March, qui est alors une grande star montante, est remarquable dans ce rôle, davantage peut-être en jeune médecin brillant, élégant et sûr de lui qu'en immonde Hyde, face noire et repoussante de la même pièce. Son personnage, d'ailleurs, est habilement construit, puisque ses tentations adultérines le titillent très vite et Hyde n'est alors que l'expression d'une idée qui avait déjà germé en Jekyll. Cette idée, que l'on peut voir comme tout à fait monstrueuse, est aussi, plus prosaïquement, une expression de la liberté que la société claquemurée dans ses principes lui refuse. Et le carcan – religieux notamment – qui impose aux fiancées de se tenir à distance pendant fort longtemps est nettement suggéré comme des catalyseurs qui font monter la monstruosité en Jekyll et amèneront Hyde).
(1) : On
retiendra également celle de Victor Fleming, avec Spencer Tracy.
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