Nous avons déjà pu dire quelques mots sur les séries au cinéma, mais, à l’heure où les séries télévisées envahissent les écrans domestiques, il nous faut ajouter quelques remarques plus précises.
La série est la
version cinématographique du roman-feuilleton, genre littéraire qui eut ses
chefs-d’œuvre. Le cinéma s’empare du genre très vite (avec Louis Feuillade
notamment, dès les années 1910-1920) et, par la suite, des metteurs en scène
prestigieux s’y sont attelés (de Hitchcock à
Michael Mann, en passant par Fassbinder, Pialat ou Bergman). Mais là n’est
pas ce qui envahit les écrans.
Ce qui envahit
les écrans – ce sont aujourd’hui des centaines de séries qui sont disponibles en VOD sur différentes chaînes –, ce sont des mises en image de scénarios. Nous voulons dire par là
qu’une série se résume bien souvent à un scénario – qui est parfois très dense,
parfaitement agencé, impeccablement alambiqué – mais qu’elle n’est jamais rien
de plus. L’image en elle-même ne dit rien. La mise en scène ne contredit jamais
le personnage, elle ne s’exprime pas par elle-même. La mise en scène, en fait,
n’est là que pour acquiescer et surenchérir (avec des effets très visibles ou
des musiques appuyées). Quand un personnage dit oui, jamais la mise en scène ne
dit non.
On notera qu’une
des rares séries à avoir eu une véritable influence sur le cinéma, La Quatrième dimension (1), dont plusieurs épisodes sont d'une richesse étonnante, est d’abord
un réservoir d’idées bien plus que de motifs visuels.
C’est ainsi que
l’art cinématographique, en tant qu’il est un art de l’image, est complètement
laissé de côté. Ce qui importe, c’est le bon déroulement du scénario, que tout
tienne debout, que le spectateur se fasse bien happer en fin d’épisode, que
l’intrigue soit suffisamment diluée sans toutefois perdre le rythme, etc. Mais
il ne s’agit pas de plonger dans l’image pour que quelque chose en sorte,
quelque chose qui ne soit pas écrit dans le scénario ou dans les dialogues,
quelque chose qui ne soit pas utile à l’avancée de l’histoire.
Nous avons déjà
pu dire combien, dans un film, le scénario pouvait ne pas être essentiel, or, si l'on raconte le scénario d’une série – la voilà spoilée ! – elle voit son intérêt presque réduit à néant, comme si, ici, tout se réduisait au déroulement du scénario.
On remarquera
que deux séries sortent tout à fait de ce lot commun : Twin Peaks de David Lynch et la double
mini-série P’tit Quiquin et Coincoin et les Z’inhumains de Bruno
Dumont. Ces deux séries ont une esthétique singulière (c’est rien de le dire),
complètement hors normes. Et il est intéressant de remarquer que ces
deux séries s’appuient au départ sur des meurtres énigmatiques et qu'elles prennent
donc le même point de départ que toute série policière qui se respecte. Mais, très vite, la
résolution de l’énigme et la recherche du meurtrier importe peu et passe
largement au second plan.
Ce qui importe réellement, ce sont les personnages,
les lieux, les atmosphères, les paysages, les rêves, tout sauf l’avancée de
l’enquête. Dans un cas comme dans l’autre, il ne s’agit pas de filmer une
enquête mais d’errer autour de l'enquête, de s’en servir comme prétexte pour
construire un monde et s’y promener.
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(1) : La
série Black Mirror peut être vue
comme une Quatrième dimension mise au
goût du jour. L’avenir dira si les idées qui y sont développées imprégneront à
leur tour le cinéma. Mais son esthétique et sa mise en scène sont tout à fait communes et sans originalité.
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