mercredi 21 octobre 2020

La Môme (O. Dahan, 2007)


 

Il était inévitable que le biopic, genre qui a tant le vent en poupe actuellement à Hollywood, vienne jusqu’en France. C’est La Môme qui a inauguré le bal, avec à la clé un grand succès et une reconnaissance internationale. La mode, ensuite, entrainera des dizaines d’autres biopics, qui garantissent le plus souvent à la fois une promotion facile (les médias adorant parler de stars), un succès public (les fans assurant un minimum de spectateurs) et des louanges sur l’acteur qui aura joué le rôle principal (ce type de rôle est un grand pourvoyeur de Césars et autres Oscars). C’est ainsi que, de Mesrine à Yves Saint Laurent en passant par Claude François, Gainsbourg ou Jean-Luc Godard, on ne compte plus les biopics français ces dernières années.
Pourtant La Môme est un film bien décevant. On y retrouve, mélangés, le mythe d’Edith Piaf (enfance de misère, coup durs de la vie, voix saisissante) et l’ambiance rétro un peu sépia du Paris d’Amélie Poulain. Cette esthétique très pénible, artificielle et forcée, est en plus brouillée en tous sens par un scénario inutilement alambiqué. En effet, Olivier Dahan multiplie les allers-retours dans le temps, selon un jeu narratif sans surprise et qui ne mène à peu près nulle part. Il faut dire que le biopic a ceci de particulier qu’on connait la fin du film avant d’avoir vu le film – ou, plutôt que de connaître la fin, disons que l’on connait l’issue du film. Dahan cherche à faire fi de cette évidence et veut créer une émotion qui naitrait peut-être de la juxtaposition d'époques différentes (en particulier en fin de film). Mais tout cela ne fonctionne guère et seuls les fans de la chanteuse s’y retrouveront.


Quant à l’interprétation de Marion Cotillard – qui a gagné avec ce rôle ses galons de star – on se sent obligé de rappeler que la capacité d’un acteur au mimétisme n’est pas du tout, nous semble-t-il, révélatrice des qualités de cet acteur, dont la substance même n’est pas de ressembler à un personnage – fut-il existant – mais de le créer.
Faire vivre un personnage qui a existé et tenter de se rapprocher de ce qu’il était est sans doute une réussite, mais ce n’est pas une performance créative. Bien au contraire, d’ailleurs, puisqu’il faut inventer le moins possible. On pourrait remarquer qu’il y a bien une part de création quand le personnage qu’il faut copier est éloigné de l’acteur lui-même (dans son caractère, son style, sa manière d’être) mais cela n'est guère pourvoyeur d'émotion.

C’est ainsi que les biopics les plus saisissants sont peut-être sur des personnalités moins connues ou dont on sait peu de choses, ce qui laisse à l’acteur une possibilité de création, en s’écartant sans doute – mais qu’importe, un film est une fiction – de la réalité. Sans aller juqu’au Jeanne d’Arc de Dreyer, on pense à Monsieur de Sainte-Colombe dans Tous les matins du monde de Alain Corneau. Ou encore, si l’on cherche cette énergie vibrante et folle qu’un acteur peut mettre dans son personnage, retournons voir Dustin Hoffman dans le Lenny de Bob Fosse, que l’on mesure alors la différence avec un biopic comme La Môme, qui noie sa recherche de mimétisme dans une tambouille esthétique prétentieuse.

Et l’on regrette aussi que La Môme, complètement centré sur Edith Piaf, délaisse les autres personnages – amis, producteurs, amants – qui ne semblent pas intéresser le moins du monde le réalisateur. Alors, selon les cas, ou bien l’acteur en fait des tonnes pour exister un peu (Sylvie Testud, insupportable), ou bien le personnage est oublié et reste en retrait, comme Marcel Cerdan, la brute touchée par cette petite môme bringuebalée par la vie, mais qui ne fait que passer dans le film : le fameux boxeur reste vide et creux et ne sert à rien d’autre qu’à faire rire ou pleurer la Môme.


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