Il était
inévitable que le biopic, genre qui a tant le vent en poupe actuellement à
Hollywood, vienne jusqu’en France. C’est La
Môme qui a inauguré le bal, avec à la clé un grand succès et une
reconnaissance internationale. La mode, ensuite, entrainera des dizaines
d’autres biopics, qui garantissent le plus souvent à la fois une promotion
facile (les médias adorant parler de stars), un succès public (les fans assurant
un minimum de spectateurs) et des louanges sur l’acteur qui aura joué le rôle
principal (ce type de rôle est un grand pourvoyeur de Césars et autres Oscars).
C’est ainsi que, de Mesrine à Yves Saint Laurent en passant par Claude
François, Gainsbourg ou Jean-Luc Godard, on ne compte plus les biopics français
ces dernières années.
Pourtant La Môme est un film bien décevant. On y
retrouve, mélangés, le mythe d’Edith Piaf (enfance de misère, coup durs de la
vie, voix saisissante) et l’ambiance rétro un peu sépia du Paris
d’Amélie Poulain. Cette esthétique
très pénible, artificielle et forcée, est en plus brouillée en tous sens par un
scénario inutilement alambiqué. En effet, Olivier Dahan multiplie les
allers-retours dans le temps, selon un jeu narratif sans surprise et qui ne
mène à peu près nulle part. Il faut dire que le biopic a ceci de particulier
qu’on connait la fin du film avant d’avoir vu le film – ou, plutôt que de
connaître la fin, disons que l’on connait l’issue du film. Dahan cherche à
faire fi de cette évidence et veut créer une émotion qui naitrait peut-être de la
juxtaposition d'époques différentes (en particulier en fin de film). Mais tout
cela ne fonctionne guère et seuls les fans de la chanteuse s’y
retrouveront.
Quant à
l’interprétation de Marion Cotillard – qui a gagné avec ce rôle ses galons de
star – on se sent obligé de rappeler que la capacité d’un acteur au mimétisme
n’est pas du tout, nous semble-t-il, révélatrice des qualités de cet acteur,
dont la substance même n’est pas de ressembler à un personnage – fut-il
existant – mais de le créer.
Faire vivre un
personnage qui a existé et tenter de se rapprocher de ce qu’il était est sans
doute une réussite, mais ce n’est pas une performance créative. Bien au contraire,
d’ailleurs, puisqu’il faut inventer le moins possible. On pourrait remarquer
qu’il y a bien une part de création quand le personnage qu’il faut copier est
éloigné de l’acteur lui-même (dans son caractère, son style, sa manière d’être)
mais cela n'est guère pourvoyeur d'émotion.
C’est ainsi que
les biopics les plus saisissants sont peut-être sur des personnalités moins connues
ou dont on sait peu de choses, ce qui laisse à l’acteur une possibilité de
création, en s’écartant sans doute – mais qu’importe, un film est une fiction –
de la réalité. Sans aller juqu’au Jeanne d’Arc de Dreyer, on pense à Monsieur de Sainte-Colombe dans Tous les matins du monde de Alain
Corneau. Ou encore, si l’on cherche cette énergie vibrante et folle qu’un
acteur peut mettre dans son personnage, retournons voir Dustin Hoffman dans le Lenny de Bob Fosse, que l’on mesure alors
la différence avec un biopic comme La Môme, qui noie sa recherche
de mimétisme dans une tambouille esthétique prétentieuse.
Et l’on regrette
aussi que La Môme, complètement
centré sur Edith Piaf, délaisse les autres personnages – amis, producteurs,
amants – qui ne semblent pas intéresser le moins du monde le réalisateur. Alors,
selon les cas, ou bien l’acteur en fait des tonnes pour exister un peu (Sylvie
Testud, insupportable), ou bien le personnage est oublié et reste en retrait,
comme Marcel Cerdan, la brute touchée par cette petite môme bringuebalée par la
vie, mais qui ne fait que passer dans le film : le fameux boxeur reste vide et creux et ne
sert à rien d’autre qu’à faire rire ou pleurer la Môme.
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