Incroyable film
de Brian De Palma, dont la virtuosité stylistique et l’esthétique volontiers
kitsch envahissent chaque plan. Et, non content de ce style détonnant, De Palma
construit un récit dense, qui évoque à la fois Faust, Le Portrait de Dorian
Gray, Docteur Mabuse ou encore,
bien sûr, Le Fantôme de l’opéra.
C’est ainsi que
Swan, le producteur tout puissant, dévore tous les artistes qui se présentent,
les essorant comme des citrons – d’où le nom du groupe qu’il utilise (The Juicy Fruits, les fruits juteux)
pour les vider bientôt de leur substance – comme il le fait avec Winslow Leach,
figure de l’artiste maudit. De Palma, en passant, règle ses comptes avec les
studios, dénonçant la dévitalisation des réalisateurs, embringués dans la grande
machinerie des majors (en particulier la Warner, qui l’a évincé de la
réalisation de Get to Know Your Rabbit,
remontant le film sans son accord).
Swan, alors,
devient cette grande figure faustienne, celle avec lequel on signe un pacte
diabolique qui va bientôt perdre Winslow, figure qui évoque aussi le Docteur
Mabuse, dont l’attrait magnétique lui permet de dépouiller ses victimes.
Le mélange des
genres, pourtant pas simple avec de telles figures tutélaires, est parfaitement
réussi. C’est que De Palma, confiant dans sa vista, déroule des plans baroques
et géniaux (il se permet de reprendre, en le complexifiant, le célèbre plan
d’ouverture de Welles dans La Soif du mal,
comme pour montrer qu’il est plus virtuose encore que le maître), installe une
esthétique pop criarde mais dont l’outrance est assumée (avec le look et le
style des Juicy Fruits) et construit
un récit foisonnant. Et, bien sûr, De Palma ne serait pas totalement De Palma sans
référence à l’assassinat de JFK, grand motif qui traverse si souvent son œuvre, ni référence à Hitchcock (il pastiche ici la scène de la douche de Psychose et évoque L’Homme qui en savait trop).
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