jeudi 5 mai 2022

Qu'est-ce qu'un bon acteur ?




De façon assez simple, pour trouver de grands acteurs, il suffit de chercher de grands rôles. En effet, un grand acteur est d’abord celui qui joue de grands rôles. On peut se demander alors ce qu'est un grand rôle. On se bornera à mettre en avant la façon, dans un grand rôle, dont le personnage sculpte le film en même temps qu'il est sculpté par lui. Cœur battant du film, il est aussi une performance d'acteur en ce sens que celui -ci a dû construire le personnage, soit en le créant à partir de rien, soit en l'incarnant et en se l'appropriant s'il a des origines réelles.
Un grand acteur peut donc être l’acteur d’un unique rôle, mais auquel on revient sans cesse, de façon magnétique. Et, quand bien même l’acteur, ensuite, ne fera plus rien d’extraordinaire, il reste immense. Peter O’Toole, quelle que soit la suite de sa carrière, est évidemment indétachable de 
Lawrence d’Arabie, il en est l'incarnation qui a débordé de l'écran et envahi l'esprit du spectateur.


Il en est de même avec les personnages de George Bailey, Michael Corleone, Patrick Mc Murphy ou, en France, de Franck Poupart, de Marius, de Lacenaire, etc. Il y a ainsi de multiples films qui doivent tant et plus à leur acteur principal qui campe un rôle difficile autour duquel tout le film tient. De Anna Magnini (
Bellissima) à Toshiro Mifune (Barberousse) en passant par Klaus Kinski (Aguirre) ou Michel Simon (La Chienne), les exemples abondent.

Mais on aime aussi définir un grand acteur à la variété des rôles et des tons qu’il peut jouer : on célèbre ainsi – à juste titre – les talents multiples de James Stewart, Lon Chaney, Daniel Day-Lewis, Michel Simon ou Gérard Depardieu. Les premières années de Jean-Paul Belmondo sont sur ce plan d’une richesse étonnante et contrastent avec la répétition morne de la suite de sa carrière.

Mais, à l’inverse, il nous semble que certains acteurs, en jouant plusieurs fois des personnages semblables et en imposant leur style, ont su créer des stéréotypes qui en font immédiatement des références et dont la résonance, parfois, dépasse largement celle du cinéma. C’est ainsi que Humphrey Bogart a installé définitivement la dégaine du détective privé. Et que dire de Clint Eastwood qui, après Gary Cooper ou John Wayne, est parvenu à construire une nouvelle image du cowboy ? Ou d’Audrey Hepburn qui, malgré la déferlante Marylin Monroe, a imposé immédiatement et comme une évidence, une autre image pour la femme que celle d’une pin-up blonde ? Ou de Louis de Funès dont la puissance de jeu comique (révélée après vingt ans d’une carrière emplie de seconds rôles) décape le burlesque en imposant un jeu détonant et unique. De même le minimalisme d’un Steve McQueen ou d’un Alain Delon ou, à l’opposé, l’expressionnisme d’un Toshiro Mifune impose des styles puissants et magnétiques.

On peut aussi considérer l'influence de l'acteur sur ses pairs : il peut être imité, repris, copié ou servir de maître étalon. A ce titre Louis Jouvet en France ou Marlon Brando aux Etats-Unis ont eu une influence considérable.


On conviendra enfin que le succès ou la popularité n’a souvent rien à voir avec la qualité d’un acteur : pour prendre des exemples américains, d’excellents acteurs n’ont jamais atteint une notoriété qui dépasse celle des connaisseurs (Robert Ryan, George C. Scott, etc.), quand d’autres acteurs, quelconques ou médiocres, ont une popularité considérable (Sylvester Stallone) ou gagnent des sommes folles (Dwayne Jonhson – The Rock – est l’acteur le mieux payé actuellement, avec plus de 120 millions de dollars de gains en 2018…). D’ailleurs, comme un symbole, l’ami Bébel n’a jamais été aussi populaire que quand il s’est affadi, à partir du milieu des années 70.

 

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