samedi 30 novembre 2024

Flic Story (J. Deray, 1975)

 



Film policier assez conventionnel et sans guère de surprise, Jacques Deray mettant en scène son scénario de façon honnête et classique mais sans véritable passion ou élan.
Flic Story déçoit même quelque peu, eu égard à a distribution. Mais Jean-Luc Trintignant n’est pas très convaincant en truand mutique et inflexible. Les personnages, d’ailleurs, souffrent tous d’un grand manque d’épaisseur : ils agissent, qu’ils soient flics ou malfrats, emplis de certitudes, sans se poser une question. On retiendra peut-être la séquence fameuse de l’arrestation dans l’auberge, inspirée de l’arrestation réelle du truand.


jeudi 28 novembre 2024

The Substance (C. Fargeat, 2024)

 



Film dont l’argument très simple est l’occasion pour Coralie Fargeat de développer une esthétique assez singulière. L’image, en effet, est souvent saturée et colorée, sur-pixelisée et glaçante (renvoyant à l’esthétique de films comme Barbie ou The Neon Demon par exemple). Mais c’est l’envers de ce décor superficiel et brillant de couleur froide qui fait l’intérêt principal du film : la réalisatrice cherche à saisir la déchéance du corps qui s’impose peu à peu, à mesure qu’Elisabeth, droguée à ses injections de jouvence, en paye le prix toujours plus violemment. La caméra, alors, capte en gros plan ce corps monstrueux et dévasté qui renvoie directement à La Mouche (lorsque le pauvre Brundle disparaît sous les difformités de ses chairs) et à Elephant Man, même, dans une dernière séquence largement outrancière, grand-guignolesque et qui n’en finit pas.
Si le film, certes, va au bout de son idée, on comprend très vite où veut en venir la réalisatrice à caricaturer ainsi la société d’apparence. Et comme elle choisit pour héroïne une présentatrice télé d’une émission de mise en forme où le corps est tout et qu’elle l’entoure de personnages qui sont autant de caricatures – depuis le producteur télé jusqu’aux petits copains de passage –, le message est délivré avec une lourdeur très pesante. D’autant plus que l’on sait bien que la cure de jouvence ne va pas bien se passer.
À cela s’ajoute, il faut bien l’avouer, un propos d’une grande banalité sur le corps d’une femme mure en train de se flétrir (même si le choix de Demi Moore pour le rôle est très bien vu puisqu’un parallèle inévitable se fait entre l’actrice et son personnage). Et si l’on voit bien l’outrance et le second degré, cela ne suffit pas vraiment pour convaincre. La lourdeur répétitive du film le rend peu passionnant et l’exubérante fin ne captive guère. Rappelons, par exemple, que la fin tout aussi exubérante de La Mouche – pour reprendre cet exemple fameux qui est ici source d’inspiration – n’est pas qu’une déferlante grand-guignolesque : Cronenberg, en montrant la fusion de Brundle et de la mouche en une entité qui n’existait pas, sert le propos du film. Ici, on ne voit pas bien où cela mène, si ce n’est à laborieusement boucler la boucle avec la forme sanguinolente qui rampe jusqu’au Walk of Fame initial, comme si rien ne devait être épargné au spectateur en termes de symboles. C’est bien dommage : même au second degré, le manque de finesse reste toujours pesant pour le spectateur.

 

lundi 25 novembre 2024

Attention, les enfants regardent (S. Leroy, 1978)

 



Le film, qui a des relents de Sa majesté des mouches, est inégal. Mais l’on retient cette confrontation des enfants avec un personnage – bien campé par Alain Delon – qui s’immisce dans leur vie, les menace et qu’ils doivent affronter.
Ce rôle tenu par Delon est surprenant : le personnage est très antipathique, sans aucun affect et sans possibilité pour le spectateur de la moindre identification. Il n'y a pas d'équivalent d'un tel personnage chez Delon. Dès lors le spectateur reporte son attention sur les enfants, après la fausse piste Alain Delon (qui ne semble pas être, dans un premier temps, un personnage aussi noir qu’il l’est). Serge Leroy construit ainsi un film étrange, qui peut, peut-être, captiver mais qui peut, plus certainement, désemparer.


samedi 23 novembre 2024

Des enfants gâtés (B. Tavernier, 1977)

 



Intéressant film de Bertrand Tavernier qui semble hésiter entre deux sujets, tantôt le combat des locataires, tantôt le couple entre Bernard et la jeune Anne. Mais cette oscillation sert le film qui trouve un ton et un rythme propre, avec une certaine légèreté qui est comme un écho à la liberté des années soixante-dix et un discours qui est un commentaire des années giscardiennes, dans des immeubles où les locataires subissent la loi des propriétaires sans scrupules.
Le film doit aussi beaucoup à Michel Piccoli, toujours très à l’aise, dont le rôle renvoie directement au réalisateur Claude Sautet : on reconnaît, dans ce scénariste qui cherche à faire tenir debout son film, la méthode de travail de Sautet. De même le jeu de Piccoli, avec des éclats de colère soudains renvoie au fameux réalisateur. Et, il faut bien dire, le film lui-même est comme un succédané des grands films de Sautet : il y a dans la relation entre Bernard et Anne quelque chose du couple Piccoli-Schneider de Max et les ferrailleurs et quelques séquences du film sont comme des esquisses qui renvoient à Vincent, François, Paul et les autres.
Il est amusant de voir plusieurs acteurs de l’équipe du Splendid parcourir le film, certains avec des rôles importants (Gérard Jugnot, loin d’un rôle comique), d’autres juste de passage (Thierry Lhermitte, Christian Clavier). On notera Michel Blanc dont le tout petit rôle annonce non pas le Jean-Claude Dus célèbre qu’il tiendra bientôt dans Les Bronzés mais, assez curieusement, le personnage parasite et égocentré de Viens chez moi, j’habite chez une copine. De même on croise la toute jeune Isabelle Huppert (aux côtés de Daniel Toscan-Duplantier en député) dans un rôle de figuration.
On retiendra aussi l’exceptionnelle chanson de générique, comme un hymne à Paris et chantée par les compères Rochefort et Marielle.

 

jeudi 21 novembre 2024

Le Gitan (J. Giovanni, 1975)

 



Polar sans grande originalité de José Giovanni, qui nous entraine aux basques d’un braqueur en cavale. On retrouve ici Alain Delon en voleur, quand on le retrouve, dans des films de la même veine, du côté des flics (dans Flic Story par exemple, sorti la même année). On retrouve aussi des seconds rôles habituels de la période (Maurice Barrier par exemple).
On regrette le personnage semi-comique campé par Paul Meurisse qui apporte très peu au film et qui joue même de ruptures de tons malvenues. Mais Paul Meurisse est aussi convaincant dans des rôles dramatiques (dans Macadam, Les Diaboliques ou La Vérité) qu’il est pénible par son cabotinage dès que le rôle est comique.
Et, en ce qui concerne Delon, l’on notera – ce qui exprime peut-être bien une inflexion dans les choix de ses rôles et, par là même, de sa carrière – que, pour une fois, son personnage, pourtant ennemi public, braqueur et tueur de flics, ne meurt pas et finit sur une note positive. Pour Delon c’est une vraie surprise, tant sont nombreux ses rôles dont la fin est très dure ou tragique.

 

lundi 18 novembre 2024

Le Chemin de l'espérance (Il cammino della speranza de P. Germi, 1950)

 



Si ce film des débuts de Pietro Germi a une réelle ambiance et s’il exprime parfaitement la détresse des Siciliens, il n’a sans doute pas la force du Disque rouge ni, bien sûr, la richesse corrosive de ses comédies ultérieures.
Mais le propos est plus franc et direct : il met en avant ce combat interne et propre à l’Italie avec la Sicile, pauvre parmi les provinces pauvres, qui cherche, tant bien que mal, à s’en sortir. Par cette façon de montrer la misère telle qu’elle est, le film renvoie au néoréalisme, mais sans s’y rattacher vraiment, du fait du romanesque de l’histoire, avec ses nombreuses péripéties et sans la même façon de filmer simplement les douleurs du monde.



mercredi 13 novembre 2024

Borg/McEnroe (J. M. Pedersen, 2017)

 



Film original puisque la rivalité entre deux sportifs est rarement filmée en cherchant à mettre l’affrontement sportif au cœur du film. Cela dit le propos est contradictoire puisqu’en cherchant son climax dans ce fameux match à Wimbledon, il cherche à nous parler de Borg (plus que de McEnroe) en nous montrant tout ce qui pouvait bouillonner derrière le crâne et l’impassibilité apparente du champion. Le scénario semble alors hésiter entre l’histoire d’un affrontement (le temps d’un match) et l’intérieur du crâne du champion suédois.

Mais le film – et c’est là une limite cinématographique du projet – occulte presque l’essentiel de ce qui opposait les deux hommes : ce n'était pas tant dans leurs caractères qu’ils s’opposaient, mais bien plus dans leurs jeux, l’un et l’autre étant le parangon des deux manières de jouer au tennis, et c’est bien là – sportivement mais pas du tout cinématographiquement – que se situe tout le sel de leur affrontement.
Cela dit un match de tennis aurait pu être un terrain de jeu cinématographique intéressant puisque c’est l’un des sports les plus travaillés par l’image : au plan resté fixe pendant de longues années avec le cours montré en plein cadre, ont succédé, de plus en plus, au fur et à mesure des avancées techniques, des montages combinant une multitude de caméras qui viennent insérer des gros plans, des travellings aériens, des contre-champs, des ralentis sous des angles divers, toute une grammaire cinématographique, en somme, qui cherche à rendre encore plus palpitant le match, l’objectif étant d’augmenter l’attrait du tennis pour garder captif devant l’écran, tant que faire ce peut, un spectateur pas forcément passionné. 
C’est d’ailleurs ce que fait – un peu – Janus Metz Pederson en filmant de façon moderne ce match, qui à l’époque, ne disposait pas des moyens techniques actuels. Il rajoute donc des inserts et autres ralentis qui n’existaient pas lors de la diffusion du match en 1980.
Mais le réalisateur reste très bridé par le déroulement réel du match (les points joués ont existé, de même que le scénario, écrit à l’avance et que le spectateur connaît), de sorte que ces petites touches rajoutées ne disent pas grand-chose. L’idée de se centrer sur ce match sommet montre alors ses limites (1).

Et le film touche aussi à un autre point problématique du genre : une reconstitution, avec des acteurs qui imitent (même très bien) les personnages, laisse forcément le spectateur sur sa faim. En effet, pour qui est passionné par cet affrontement, on ne saurait mieux faire que de retourner voir le match qui oppose les deux duettistes. Ce reproche est d’ailleurs général et concerne beaucoup de biopics centrés sur un évènement : dans
Bohemian Rhapsody, reconstituer le concert à Wembley n’a guère d’intérêt cinématographique. De même voir Coluche rejouer ses fameux sketchs dans Coluche, L’Histoire d’un mec. On mesure la différence avec un film comme Raging Bull où, lors des combats, l’intérêt n’est pas – loin s’en faut – dans le mimétisme avec les combats de boxe historiques de Jake LaMotta, mais dans ce que dit Scorsese de son personnage à travers ses combats. La liberté cinématographique du réalisateur est alors totale et sa manière de faire devient sa manière de dire. Tout le contraire d’une reconstitution appliquée qui, par définition, n’a plus grand-chose à voir avec une création cinématographique.



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(1) : Les limites du scénario sont d'autant plus flagrantes que l’affrontement entre ces deux champions ne peut se résumer à ce match qui, s’il est bien le plus spectaculaire et indécis, n’est pas le plus décisif et ne résume pas du tout cette opposition, bien au contraire. En le battant l’année d’après successivement à Wimbledon et à l’US Open, McEnroe fera bien plus que gagner deux matchs : il stoppera net Borg qui arrêtera ensuite purement et simplement sa carrière.


samedi 9 novembre 2024

Laissez-passer (B. Tavernier, 2002)

 



Intéressant film choral de Bertrand Tavernier, même si l’on peut être dérouté dans un premier temps, avec cette multiplicité des personnages qui donne une impression de désordre un peu difficile à suivre. Mais le film, peu à peu, se met en place et l’aspect choral du film, avec de multiples histoires qui sont suivies et qui se croisent, prend une belle ampleur et illustre parfaitement les déboires des tournages sous l’Occupation, autour de nombreux personnages importants de la période (réalisateurs, scénaristes, etc.). Dans cet hommage magnifique au cinéma – avec ses héros et ses traîtres, ses courageux et ses lâches – Tavernier exprime tout son amour pour le cinéma.
Vu le nombre de personnages la distribution est riche mais de qualité variable (Jacques Gamblin est impeccable quand Denis Podalydes, lui, en fait toujours des tonnes).


mercredi 6 novembre 2024

Quelque part dans la nuit (Somewhere in the Night de J. L. Mankiewicz, 1946)

 



Intéressant film où Joseph L. Mankiewicz joue parfaitement de deux originalités de scénario qui, mises bout à bout, construisent une trame très aboutie.
George Taylor, amnésique à son retour de la guerre, cherche son identité et, pour cela, il suit les indices qui doivent le mener à Larry Cravat, dont on comprend qu’il est le méchant de l’histoire. La découverte progressive de la véritable identité de ce Larry Cravat amène à un coup de théâtre quand on comprend que George Taylor n’est autre que ce Larry. Hollywood joue ainsi avec ses propres codes puisque le bon était en réalité le méchant. Bien sûr une amnésie vient sauver la morale (en réalité il était méchant mais il est devenu bon) mais ce retournement reste un très bon fil conducteur. D’autant plus que le scénario dispose d’un deuxième double fond : le personnage que l’on recherche est aussi celui qui le cherche. Autrement dit On retrouve là aussi une idée rare. On a bien, dans Assurance sur la mort, Police Python 357 ou dans La Grande horloge, des personnages qui savent qu’ils sont la cible de leur enquête mais ici George ignore longtemps l’identité de celui qu’il recherche. Mankiewicz enserre alors son personnage dans une intrigue en forme d’entonnoir de plus en plus étroit dont il ne s’extirpera que de justesse.


lundi 4 novembre 2024

Sugarland Express (The Sugarland Express de S. Spielberg, 1974)





Premier long-métrage de Steven Spielberg et, alors que son talent explosait dans Duel, il semble ici quelque peu mis en veilleuse. Il faut dire aussi que l’argument du film est assez peu passionnant et que l’on a du mal à prendre fait et cause pour ce jeune couple qui s’embarque dans une aventure qui le dépasse.
Cette histoire de rangers qui dégainent promptement face à deux marginaux jeunes et paumés est certes très typique des années 70, mais elle est très peu typique de ce que fera Spielberg par la suite. Celui-ci, incontestablement, est davantage un cinéaste des années 80 (même Les Dents de la mer, quoique de 1975, annonce le cinéma de la décennie à venir et, en cela, il est en avance sur son temps) et il saura, le plus souvent, conjuguer son grand talent avec de gros moyens, ce qui est bien différent de l’idée force du Nouvel Hollywood, où le talent consistait justement à être capable de faire sans beaucoup de moyens.



samedi 2 novembre 2024

La Marche sur Rome (La marcia su Roma de D. Risi, 1962)

 



Très intéressant film de Dino Risi qui utilise avec intelligence un scénario très bien vu pour planter sa caméra droit dans les yeux des Italiens et leur parler du lourd passé de la montée du fascisme. On admire l’habileté de Risi à traiter ce sujet difficile sans manichéisme ni facilité.
Le film bénéficie des grandes compositions de Vittorio Gassman et Ugo Tognazzi qui campent deux personnages pauvres, lâches et volontiers pitoyables qui se trouvent pris dans l’engrenage des chemises noires, engrenage dont ils auront bien du mal à s’extirper. Mais leur zèle empli d’obséquiosité aura fait des dégâts.
Cet angle de vue est très porteur : il montre à la fois combien le fascisme a su attirer à lui les Italiens, combien il fut tentant et, aussi, combien les Italiens y virent des promesses qui les tentèrent. Mais il montre en même temps les Italiens simplets qui ne résistent guère et se posent peu de questions. Même si Umberto, le plus benêt pourtant des deux compères, reste lucide et liste, au fur et à mesure, les promesses non tenues des fascistes, tandis que Domenico, qui refuse de voir les choses en face, reste sourd et aveugle très longtemps. L’image finale, très intelligente, montre l’ampleur de la tragédie qui se joue.