Après sa trilogie paranoïaque (1), John
Frankenheimer change sa caméra d'épaule et modifie considérablement son style.
Loin de la flamboyance délirante de Seconds,
il filme ici avec beaucoup plus de retenue et de sobriété – et avec même une certaine
austérité (la même que l’on retrouvera dans Le Pays de la violence) – l'Amérique provinciale.
Il confronte deux groupes de personnages que tout oppose (un
groupe de parachutistes itinérants et un couple de bourgeois sans enfants,
guindé et replié sur lui-même). Pourtant, au plus profond d'eux-mêmes, tous ces
personnages n'ont plus aucune illusion : leur vie est vide de toute substance.
De façon subtile et réussie, chaque groupe voit dans l'autre
ce qu'il n'a pas et ce qu'il désire peut-être (un home pour les uns, une liberté – même illusoire – pour les autres),
d'où une gêne et une tension sourde entre eux.
Seul Mike (Burt Lancaster), prend conscience de ce ressort
cassé de la vie et, en proposant à Elyzabeth Brandon (Deborah Kerr) de partir
avec lui pour qu'ils quittent, tous les deux, leur condition, il tente de sortir
de cette illusion de vie. Et si Elyzabeth refuse de partir,
Mike, en retour, fera le grand saut et choisit – usant en fait de la minuscule
part de liberté qu'il lui reste – de ne pas ouvrir son parachute.
L'interprétation, variée, est excellente, depuis Deborah
Kerr vieillissante, à Gene Hackman débonnaire en passant bien sûr par un Burt
Lancaster au regard voilé.
Les séquences de voltige très réussies renvoient à La Ronde de l'aube de Sirk où, là aussi, l'existence remplie par les
acrobaties aériennes cachait un vide sombre et désenchanté.
(1) : Un crime dans la tête en 1962, Sept jours en mai en 1964 et Seconds (L’Opération diabolique) en 1966.
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