vendredi 14 janvier 2022

Titane (J. Ducourneau, 2021)





Après un premier film intéressant et très maitrisé, Julie Ducourneau casse la baraque médiatique avec Titane en décrochant la Palme d’or. Et si l’intérêt cinématographique d’une Palme est souvent inversement proportionnel à son intérêt promotionnel, il est remarquable (et bien rare) qu’un film de genre soit honoré. Puisque Titane, comme Grave, est un thriller horrifique, volontiers gore, très loin des films habituels du palmarès.
Pourtant, après une première séquence d’ouverture réussie (qui reprend directement l’ouverture de Crash), le film ne captive pas vraiment, alors que l’on suit le parcours d’Alexia (Agathe Roussellle), qui va de violences en transformations. Le film est très ambitieux et il cherche à dessiner un parcours complexe, à mélanger les étapes, à faire basculer son personnage d’une vie à l’autre. Mais Alexia – contrainte de se masculiniser tant et plus et de torturer son corps – reste un personnage lointain, antipathique, dont on ne nous dit rien et dont on sent bien, en réalité, que ne rien en dire évite d’avoir à le scruter.
Ducourneau embarque son petit monde dans une ambiance d’abord glaçante, métallique et gore, puis vers davantage de rapports humains, même s’ils sont emplis de non-dits et de silence. C’est que le film, assez adroitement, change de genre : il part du gore, passe par le thriller, et va jusqu’à un récit plus conventionnel sur une relation filiale dégénérée. Ce changement de genre épouse le changement de sexe contraint (mais vain) du personnage. C’est que ce changement de sexe, s’il est douloureux, reste superficiel : c’est un peu, en filigrane, ce qui ressort de Titane. On y trouve des bandelettes qui contraignent, surprennent, raboutent une multitude de références, de Christine à Crash en passant par le slasher ou le revenge movie, façon L’Ange de la vengeance, on retrouve le mélange cronenbergien de la chair et du métal, avec une dimension sexuelle en plus. On mesure là l’ambition du film, même si tout cela n’est que collages et juxtapositions, tout le long de l’itinéraire de Alexia. Et même le métal n’est jamais bien loin et resurgit toujours dans un mélange d’horreur, de fantasmes et de peur (y compris dans la bande sonore), Titane n’est qu’un succédané un peu tiède de Crash.
L’intervention de Vincent Lindon dans un film de ce genre surprend et il tire le film irrésistiblement vers le genre auquel l’acteur est maintenant inféodé, celui du « réalisme-social » nouvelle figure (La Loi du marché) et des films partisans (Welcome). Il faut dire qu’il reprend ici son personnage sempiternel de renfrogné, d’ours solitaire mal dégrossi et torturé (tout cela toujours avec beaucoup de poids, de lourdeur).
Reste une belle image finale (même si elle oublie étrangement Alexia, faisant brusquement dériver le film une dernière fois dans une nouvelle direction), avec Vincent Lindon qui est à nouveau père, mais d’un nourrisson fantasmé et fantasmagorique.


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