Après un premier
film intéressant et très maitrisé, Julie Ducourneau casse la baraque médiatique
avec Titane en décrochant la Palme
d’or. Et si l’intérêt cinématographique d’une Palme est souvent inversement
proportionnel à son intérêt promotionnel, il est remarquable (et bien rare)
qu’un film de genre soit honoré. Puisque Titane,
comme Grave, est un thriller
horrifique, volontiers gore, très loin des films habituels du palmarès.
Pourtant, après
une première séquence d’ouverture réussie (qui reprend directement l’ouverture
de Crash), le film ne captive pas
vraiment, alors que l’on suit le parcours d’Alexia (Agathe Roussellle), qui va
de violences en transformations. Le film est très ambitieux et il cherche
à dessiner un parcours complexe, à mélanger les étapes, à faire basculer son
personnage d’une vie à l’autre. Mais Alexia – contrainte de se masculiniser
tant et plus et de torturer son corps – reste un personnage lointain,
antipathique, dont on ne nous dit rien et dont on sent bien, en réalité, que ne rien en dire évite d’avoir à le scruter.
Ducourneau
embarque son petit monde dans une ambiance d’abord glaçante, métallique et
gore, puis vers davantage de rapports humains, même s’ils sont emplis de
non-dits et de silence. C’est que le film, assez adroitement, change de genre :
il part du gore, passe par le thriller, et va jusqu’à un récit plus
conventionnel sur une relation filiale dégénérée. Ce changement de genre épouse
le changement de sexe contraint (mais vain) du personnage. C’est que ce
changement de sexe, s’il est douloureux, reste superficiel : c’est un peu,
en filigrane, ce qui ressort de Titane. On y trouve des bandelettes qui contraignent, surprennent, raboutent une multitude de
références, de Christine à Crash en passant par le slasher ou le
revenge movie, façon L’Ange de la vengeance, on retrouve le mélange cronenbergien de la chair et du métal,
avec une dimension sexuelle en plus. On mesure là l’ambition du film, même si tout cela n’est que collages et
juxtapositions, tout le long de l’itinéraire de Alexia. Et même le métal n’est jamais bien loin et resurgit toujours dans un
mélange d’horreur, de fantasmes et de peur (y compris dans la bande sonore),
Titane n’est qu’un succédané un peu tiède de Crash.
L’intervention
de Vincent Lindon dans un film de ce genre surprend et il tire le film
irrésistiblement vers le genre auquel l’acteur est maintenant inféodé, celui du
« réalisme-social » nouvelle figure (La Loi du marché) et des films partisans (Welcome). Il faut dire qu’il
reprend ici son personnage sempiternel de renfrogné, d’ours solitaire mal
dégrossi et torturé (tout cela toujours avec beaucoup de poids, de lourdeur).
Reste une belle
image finale (même si elle oublie étrangement Alexia, faisant brusquement
dériver le film une dernière fois dans une nouvelle direction), avec Vincent Lindon qui est à nouveau père,
mais d’un nourrisson fantasmé et fantasmagorique.
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