samedi 28 mai 2022

Everest (B. Kormákur, 2015)

 



Récit d’une conquête sportive qui tourne mal, Everest reste hollywoodien et très conventionnel. Ici le titre est un peu trompeur : ce n’est pas la montagne qui intéresse le réalisateur puisque l’Everest n’existe que pour ce qu’il est un enjeu sportif.
Et l’on reste bien loin des explorateurs Herzog ou Hillary, il n’est ici question que de sportifs légers, un peu provocateurs, un peu collectionneurs d’exploits, beaucoup trop bravaches. Et rien ne viendra épaissir ces personnages qui resteront, d’un bout à l’autre, tels qu’ils étaient présentés au début.
Affronter la montagne ne les transforme pas, l’ascension n’est pas une expérience de vie qui les tempère ou les transcende, qui leur fait toucher du doigt leur petitesse ou leur courage. Et l’on sera bien en peine de chercher des sensations d’immensité, de vertige, de sublime ou d’écrasement. Non, la montagne, ici, n’est qu’une altitude à atteindre. C’est bien peu de choses et, cinématographiquement, le film ne va pas bien loin.
Les uns en réchappent, d’autres meurent, sans rien d’autre qu’une mise en image sans génie d’une histoire réelle. Avec une application à demi-didactique et à demi-dramatisée, le film montre tant bien que mal les difficultés rencontrées : on comprend qu’il y a le manque d’oxygène, le manque d’humilité de certains, l’orage qui s’abat trop vite, l’altitude et le froid, en somme, qui engloutissent les hommes.

Mais on mesure, ici comme dans d’autres films sur le même thème, combien le cinéma s’est assez peu saisi de la montagne, l’investissant pour de simples films d’action ou des récits purement sportifs mais sans jamais regarder la montagne autrement que comme un tas de cailloux.
La mer, par exemple, est tantôt une puissance divine destructrice et providentielle (L’Ouragan), tantôt le réceptacle d’un exotisme poétique (L’Aventure vient de la mer), tantôt le lieu d’un rêve éveillé (Et vogue le navire) ; le désert sait être un itinéraire prophétique qui s’achève en chemin de croix (Lawrence d’Arabie) ou une immensité vide qui met à nue l’âme des hommes (Les Rapaces) tandis que la forêt purifie par son animisme puissant (Dersou Ouzala) ou engloutit jusqu’à la folie (Aguirre). Mais, en ce qui concerne la montagne, quand elle est au cœur du film (1), le cinéma a bien du mal à montrer autre chose qu’un relief – une forme dans le paysage – ou une altitude.



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(1) : Curieusement, c’est quand elle n’est pas le cœur du film que la montagne n’est plus seulement un relief, mais elle est peut être, par exemple, un refuge (Les Horizons perdus), une frontière (L’Homme qui voulut être roi), le domaine des Dieux (Voyage au bout de l'enfer) ou le lieu mystique du dernier voyage (La Ballade de Narayama). C’est là que sa puissance – à la fois tellurique et divine – s’exprime le mieux.



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