Nous faisons suite ici au billet sur l'image-action et l'image-temps, que nous nous proposons de détailler.
Gilles Deleuze (dans L’Image-mouvement et L’Image-temps, 1983 et 1985) détaille une classification des images, construite un peu comme un naturaliste qui décrit et classe les êtres vivants.
Gilles Deleuze (dans L’Image-mouvement et L’Image-temps, 1983 et 1985) détaille une classification des images, construite un peu comme un naturaliste qui décrit et classe les êtres vivants.
Son principe de base s’appuie sur le concept scientifique de schéma sensori-moteur. Pour le comprendre, il faut faire un détour par la biologie et se
rappeler le fonctionnement du système nerveux.
L’environnement exerce sur nos récepteurs sensoriels (œil, oreille, etc.) des stimulations. Les récepteurs envoient alors, via des nerfs, des messages – des messages sensitifs – jusqu’à des zones précises du cerveau qui vont interpréter ces messages. Le cerveau va alors envoyer d’autres messages – des messages moteurs – via d’autres nerfs, pour ordonner tel ou tel mouvement musculaire. C’est ce qui se passe par exemple lorsque le feu passe au rouge et que, quelques millisecondes plus tard, le conducteur appuie sur la pédale de frein. La situation (passage du feu au rouge) provoque une réaction de la part du conducteur. C’est le schéma sensori-moteur classique.
L’environnement exerce sur nos récepteurs sensoriels (œil, oreille, etc.) des stimulations. Les récepteurs envoient alors, via des nerfs, des messages – des messages sensitifs – jusqu’à des zones précises du cerveau qui vont interpréter ces messages. Le cerveau va alors envoyer d’autres messages – des messages moteurs – via d’autres nerfs, pour ordonner tel ou tel mouvement musculaire. C’est ce qui se passe par exemple lorsque le feu passe au rouge et que, quelques millisecondes plus tard, le conducteur appuie sur la pédale de frein. La situation (passage du feu au rouge) provoque une réaction de la part du conducteur. C’est le schéma sensori-moteur classique.
Deleuze reprend
cette idée et la met à la base de ce qu’il appelle l’image-mouvement : il
s’agit de films montrant des personnages réagissant à une situation de départ
et qui suivent donc le même schéma sensori-moteur, schéma que Deleuze a traduit
en terme de situation/action/nouvelle situation (SAS’).
Le mot « action » employé dans cette formule correspond à la réaction en biologie et peut signifier ou bien une action effective de la part des personnages, ou bien des émotions ou encore des pulsions. Le temps du film – sa durée – est donc occupé à suivre une succession d’actions ou d’émotions engendrées par la situation proposée par le film. Et la situation du début du film apparaîtra modifiée en fin de film.
Le mot « action » employé dans cette formule correspond à la réaction en biologie et peut signifier ou bien une action effective de la part des personnages, ou bien des émotions ou encore des pulsions. Le temps du film – sa durée – est donc occupé à suivre une succession d’actions ou d’émotions engendrées par la situation proposée par le film. Et la situation du début du film apparaîtra modifiée en fin de film.
Une très grande
majorité de films fonctionne selon ce principe très simple.
L’image-temps :
L’image-temps :
L’autre grand
type de film que distingue Deleuze concerne les films dans lesquels ce schéma
sensori-moteur est rompu.
Suivant les cas,
c’est l’environnement qui ne s’adresse plus aux personnages (= disparition du
message sensitif) ou bien ce sont les personnages qui ne réagissent plus à
l’environnement (= disparition du message moteur). De sorte que, à l’image-mouvement
– où le temps est indirectement filmé au travers de la durée du film qui relate
différentes actions –, se substitue un film dans lequel le temps est filmé pour
lui-même.
Ici les personnages se trouvent condamnés à l'errance ou à la balade (on pense à la fameuse réplique « Je sais pas quoi faire » dans Pierrot le fou), ce sont les temps morts de la banalité quotidienne chez Antonioni (comme dans L’Éclipse) ou les images fixes d’Ozu, qui sont autant de natures mortes.
Ici les personnages se trouvent condamnés à l'errance ou à la balade (on pense à la fameuse réplique « Je sais pas quoi faire » dans Pierrot le fou), ce sont les temps morts de la banalité quotidienne chez Antonioni (comme dans L’Éclipse) ou les images fixes d’Ozu, qui sont autant de natures mortes.
Ce n'est pas le
temps qui dépend du mouvement, c'est le mouvement – désordonné et démotivé –
qui dépend du temps. Dès lors l’action ne répond plus à la situation, elle
semble flotter dans la situation (comme dans Le Professeur de Zurlini). Pour Deleuze, ces films qui ont cette relation au temps sont des films modernes.
Le néo-réalisme
est la première manifestation de ce cinéma : au lieu de représenter un
réel clair et net, bien identifié, il restait toujours ambigu, comme si le réel
n’était pas déchiffré mais que c’était au spectateur de déchiffrer ce qu’il
pouvait (par exemple la fin de Allemagne année zéro, qui oblige après coup à ressentir différemment l’errance du
petit Edmund). Ce cinéma va plus loin que Hitchcock dans Fenêtre sur cour où celui-ci intégrait un spectateur dans le film.
Maintenant le personnage lui-même est devenu une sorte de spectateur.
Chacun de ces deux types de film se caractérise par des images particulières. Et pour parvenir, au sein d’un film, à distinguer ces différentes images, Deleuze s’appuie sur de nombreux signes visuels, qui permettent de les reconnaître. Et, comme l’idée de Deleuze est de classifier tout cela, il a mis des noms sur les choses et il distingue donc 16 signes différents qu’il décrit patiemment (le dicisigne, le reume, l’engramme, le synsigne, le binôme, l’indice, le vecteur, l’empreinte, l’icône, le qualisigne, le fétiche, le symptôme, la figure, la marque, la démarque et le symbole).
Chacun de ces deux types de film se caractérise par des images particulières. Et pour parvenir, au sein d’un film, à distinguer ces différentes images, Deleuze s’appuie sur de nombreux signes visuels, qui permettent de les reconnaître. Et, comme l’idée de Deleuze est de classifier tout cela, il a mis des noms sur les choses et il distingue donc 16 signes différents qu’il décrit patiemment (le dicisigne, le reume, l’engramme, le synsigne, le binôme, l’indice, le vecteur, l’empreinte, l’icône, le qualisigne, le fétiche, le symptôme, la figure, la marque, la démarque et le symbole).
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