mercredi 29 janvier 2025

Lumière ! L'aventure commence (T. Frémaux, 2016)

 



Passionnant documentaire de Thierry Frémaux sur les premiers métrages des frères Lumière. Avec pédagogie et passion, il nous plonge dans ces merveilles de cinquante secondes qui ont déjà, si souvent, senti la substance même du cinéma : une mise en scène, des acteurs, une composition. Et alors, films après films, s’égrènent des moments pris sur le vif, la vie captée, des angles de vue élégants ou teintés d’évidence, de la poésie, une force documentaire, de petits scénarios drôles ou étonnants, de l’inventivité.
Le documentaire montre parfaitement que, bien plus que de simples inventeurs, de simples techniciens ou de simples industriels, les frères Lumière furent, ô combien, de grands cinéastes.
Et l’on ne saurait trop rendre hommage à Henry Langlois qui, le premier, en fondant la Cinémathèque Française, a pris conscience de l’indispensable inventaire et de la nécessaire conservation et restauration de ces pellicules fragiles et fondatrices.



lundi 27 janvier 2025

La Gueule de l'autre (P. Tchernia, 1979)

 



Comédie trop facile et trop légère de Pierre Tchernia, où le manque de sérieux rend tout superficiel. Il y a trop de personnages idiots ou caricaturaux, alors que le genre – la comédie – ne devrait pas, ainsi, laisser tomber les personnages et se moquer d’eux. Même si Michel Serrault s’en donne à cœur joie, l’ensemble est assez banal et très attendu.
On mesurera l’écart avec un film comme La Vie d’un honnête homme de Guitry qui fonctionne sur le même ressort d’un échange entre jumeaux. De même dans Copie conforme ou encore dans Coup de torchon, Tavernier (et Marielle) joue parfaitement de la substitution d’un personnage qui réapparaît par son frère. Mais ici les choses restent très dégrossies, malgré quelques bonnes séquences (le face à face télévisé par exemple). 
On notera que le scénario imposait, à un moment donné, d’avoir à l’écran les deux frères et que, en fin de film, Tchernia s’est sorti avec habileté du piège (ce qui n'est pas toujours le cas) en cachant remarquablement le raccord entre les deux plans (par une gouttière le long du mur où sont accrochés les frères). 


samedi 25 janvier 2025

Boogie Nights (P. T. Anderson, 1997)

 



Paul Thomas Anderson, pour son deuxième film, trouve ici une maturité qui ne le quittera plus guère et qui marquera désormais toute sa filmographie.
Avec un brio évident, il développe son film en deux parties et à la première, plus légère, lardée d’humour et au rythme enlevé, répond une seconde en forme de déchéance, beaucoup plus dure, où Eddie sombre peu à peu. L’étonnante famille formée autour de ces tournages de films porno explose et il ne reste qu’un contre-champ glauque où les individus se perdent.
Au-delà de certaines séquences magistrales (le suicide de Little Bill), c’est cet équilibre du film, malgré cette rupture de ton et de rythme, qui signe la virtuosité d’Anderson. Elle lui permet de réaliser des films parfois très longs, aux allures de saga ou d’errance, avec une facilité étonnante.
Mark Wahlberg, souvent bien terne, est ici très convaincant, et les nombreux acteurs qui l’entourent (Burt Reynolds, Julianne Moore, William H. Macy, Philip Seymour Hofman…) campent des personnages hauts en couleurs, donnant à l’ensemble une truculence réjouissante.


mercredi 22 janvier 2025

24 frames (A. Kiarostami, 2017)

 



Réalisation expérimentale de Abbas Kiarostami qui renvoie à Ten, tourné quinze ans plus tôt et qui jouait déjà de plans fixes. Ici les « cadres » proposés sont de longs plans muets – mais où la sonorisation est essentielle , comme autant de photos ou de tableaux (en commençant par Les Chasseurs dans la neige de Bruegel) et qui s'animent doucement.
L’ensemble est poétique, lent, doux, parfois très beau, parfois davantage incongru, comme un moment saisi ou que le réalisateur, sensible à la douceur des choses, imagine. Tous ces plans fixes sont, malgré leur animation, comme des natures mortes qui renvoient à la contemplation, à la peinture, à la poésie autant, bien sûr, qu'il évoquent Ozu.



lundi 20 janvier 2025

Macadam (M. Blistène, 1946)

 



Très daté et très typé studio, Macadam peine à emporter le spectateur. S’il nous peint, dans hôtel minable, un Paris aujourd’hui disparu, le film ne convainc guère.
Servis par une intrigue très conventionnelle, les personnages semblent par trop artificiels. Françoise Rosay – en patronne à qui on ne la fait pas – surjoue beaucoup et Paul Meurisse oscille entre le ton juste du malfrat et le cabotinage qui le guette toujours. Et même le personnage de Simone, la servante un peu romantique amoureuse du camelot et qui alimente le quiproquo fatal, reste bien peu fouillée.



vendredi 17 janvier 2025

125 rue Montmartre (G. Grangier, 1959)

 



Polar inégal qui, après une première heure assez poussive (avec ce Julien assez pénible dont s’encombre assez inexplicablement l’ami Ventura), devient davantage prenant à mesure que l’intrigue se noue. La dernière demi-heure, alors, est davantage réussie, en étant portée, notamment, par un Jean Dessailly très bien en commissaire à qui on ne la fait pas.
Lino Ventura, lui, n’est guère aidé par son personnage qui se fait embobiner et il peine à  lui donner du souffle.

 

mercredi 15 janvier 2025

Margin Call (J. C. Chandor, 2011)

 



Ce film rejoint d’autres réalisations telles que The Big Short autour de la crise financière de 2008. Mais il s’agit ici bien plus d’une chronique, avec l'histoire de la découverte, par des traders, des actions qui vont très vite faire sauter la banque. Et il faut apprécier que le réalisateur ne cherche pas à distinguer des bons et des méchants mais qu’il montre combien chacun, à la place qui est la sienne, découvre ou prend acte de la vague scélérate qui va très bientôt déferler, avec la dévastation qui va suivre. C’est donc bien plutôt une étude heure par heure de ce qui se passe qu’un regard moral qui tenterait d’incriminer les uns ou les autres. Cette neutralité de ton rend le film appréciable, quand bien même, cinématographiquement, il est sans grand relief, malgré un casting intéressant.
Et ce « moment Margin Call », capté ici par J. C. Chandor, titille l’imaginaire : il est toujours fascinant de scruter au plus près les instants où une réaction en chaîne inarrêtable démarre. On retrouve d’ailleurs la même focalisation sur le moment clef où tout bascule dans la série Chernobyl : ce n’est que dans le dernier épisode – tension scénaristique oblige – que le pourquoi du comment de l’explosion de la centrale nucléaire est soigneusement expliqué.



lundi 13 janvier 2025

Le Souffle au coeur (L. Malle, 1971)

 



Louis Malle, après La Petite, joue à nouveau de provocations puisque la relation entre Laurent et sa mère, d'abord innocente puis tendancieuse, ira jusqu’à l’inceste. Pour autant le film est une forme d’éducation sentimentale – jusqu’au-boutiste dans sa provocation, donc – dans un milieu grand bourgeois : le petit dernier de la fratrie se cherche, aspire à un monde pour lequel il est encore trop jeune et le film explore sa psychologie du désir.
On retrouve par moment des accents de Lacombe Lucien : non pas dans le caractère fruste du personnage, mais dans à travers une obstination un peu butée. Ici Laurent aspire à la rencontre charnelle, émoustillé par ses frères, tenté par la chimie des désirs.
Louis Malle tire à boulet rouge sur le monde bourgeois (de façon efficace mais très conventionnelle pour le coup) avant de basculer dans le véritable moment corrosif avec ce final vénéneux et provocateur. Et le film, alors, se comprend différemment : il a permis de construire un personnage et un rapport entre ce personnage et sa mère qui a pu conduire à ce terrible moment œdipien.
Le Souffle au cœur fait ainsi partie de ces films qui, à côté de toutes les approches symboliques ou métaphoriques de l’Œdipe, jouent du passage à l’acte concret : par exemple tuer le père dans Harry, un ami qui vous veut du bien ou, donc, ici, épouser sa mère.


vendredi 10 janvier 2025

Le Deuxième acte (Q. Dupieux, 2024)

 



On retrouve dans Le Deuxième acte les qualités et les défauts habituels de Quentin Dupieux : très original, jouant avec les codes du cinéma, mélangeant les acteurs et leurs personnages, créant des mises en abyme successives, le film montre combien Dupieux s’amuse. Mais, comme souvent, l’intrigue minimaliste ne mène pas bien loin et l’ensemble ressemble à une ébauche imparfaite, comme si seulement une partie du film avait été tournée et comme si quelque chose manquait.
Mais la grande réussite, ici, est cette mise en abyme des acteurs et de leurs rôles, mises en abyme successives et qui s’imbriquent toujours davantage. S’amusant à filmer un film en train de se faire, ce qui n’est pas nouveau (il montre des acteurs qui s’interrompent, refont une scène, se reconcentrent ou sont interrompus), Le Deuxième acte parvient à rajouter une dimension supplémentaire en utilisant des acteurs connus qui jouent de leur réputation. Guillaume, le personnage joué par Vincent Lindon, notamment, utilise l’image de celui-ci (celle d’un acteur confirmé, à qui on ne la fait pas, de gauche, engagé) pour se lancer dans des tirades dont on sait très bien qu’elles correspondent à l’acteur lui-même. Il y a là un recul de l’acteur par rapport à lui-même assez rare et savoureux (1). Et cette dimension, bien sûr, échappe à qui ne connaît pas l’acteur. C’est vrai aussi pour Willy, le personnage joué par Raphaël Quenard, qui lui fait face dans la scène du restaurant et avec lequel il en vient même aux mains : l’échange violent et emporté entre Guillaume et Willy pourrait tout à fait être une dispute violente entre Lindon et Quenard, ce dernier étant un jeune acteur qui monte, qui prétend à des rôles plus importants (Dupieux lui a donné un premier rôle récemment) et qui a envie de se faire une place au milieu de la génération de Lindon. Là aussi, pour qui ne connaît pas Raphaël Quenard, cette dimension échappe quelque peu. Habilement et de façon savoureuse, le film mélange les dimensions et l’on s’y perd pour ce qui est de savoir quand les acteurs jouent leurs rôles ou non, jouant jusqu’au bout même avec des personnages secondaires (l’acteur de second rôle qui se suicide en fin de film). 



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(1) : Recul assez rare mais que l’on croise parfois, par exemple avec Jean-Claude Van Damme dans Narco ou avec Demi Moore, très récemment, dans The Substance.


lundi 6 janvier 2025

Sexcrimes (Wild Things de J. McNaughton, 1998)

 



Prototype de film en forme de thriller qui accumule les coups de théâtre (un peu comme le fait Chabrol dans Les Innocents aux mains sales par exemple). Ici ce ne sont pas moins de quatre ou cinq coups de théâtre successifs, qui viennent faire rebondir l’affaire et changer du tout au tout sa perception. Du moins dans un premier temps puisqu’ensuite le spectateur a compris que tout pouvait basculer à nouveau, ce qui rend l’histoire beaucoup plus artificielle. Des personnages que l’on croyait morts qui reviennent, un flic intègre qui finalement ne l’est pas, des amants qui se trahissent : on est dans un film où, progressivement, on ne sait plus à quel saint se vouer, tout comme Sam Lombardo, en fin de film, qui hésite à boire son whisky, en se demandant (avec raison) s’il n’est pas empoisonné. Le personnage rejoint ici le spectateur, qui, à ce moment du film, ne croit plus en rien et se demande un peu lassé quel énième rebondissement va frapper.
Le film est donc d’abord un film de scénario et en cela il est très banal. Les personnages ne sont guère intéressants et l’image elle-même – même si elle joue parfois à montrer une image de Floride enchanteresse, pleine de palmiers et de soleil que viennent contrarier les caïmans qui rodent dans les marécages – n’est ni angoissante, ni envoûtante. Le réalisateur, peu inspiré, s’en remet uniquement aux rebondissements de son intrigue pour captiver.

 

vendredi 3 janvier 2025

Megalopolis (F. F. Coppola, 2024)





Ce dernier film de Francis Ford Coppola (dix ans après le précédent) et qui porte toute l’ambition volontiers mégalomaniaque de son réalisateur, déçoit.
Dans ce qui s’apparente de toute évidence comme un film somme, on en ressort avec une impression que tout cet assemblage d’images et de séquences ne dépasse pas le stade des esquisses ou des idées et ne forme pas un tout cohérent que serait le film. Il y a bien des fulgurances (le bureau penché dans une salle emplie de sable) et une créativité visuelle indéniable (dans une ambiance art-déco intrigante), mais au service d’un propos d’une banalité affligeante.
Mis à part l’argument de départ que l’on veut bien entendre et qui peut être propice à une thématique intéressante (la chute de l’Amérique renvoie au déclin de Rome), la suite, malheureusement, ne propose rien d’autres qu’une guerre de successions et d’ambitions, avec des tractations et des intrigues déjà vues mille fois et, qui plus est, autour de personnages creux et bien peu intéressants. Pour ne prendre qu’un exemple, Ran – qu’admire Coppola –, sur un thème finalement qui a de nombreux points communs, dit bien davantage, avec un lyrisme épique extraordinaire.
Bien sûr Mégalopolis évoque de nombreux films, à commencer par Le Rebelle de Vidor où est mis en avant le principe de l’individu érigé en génie sauveur, et l’on retrouve de nombreuses citations, de Metropolis à Citizen Kane. Mais au-delà de l’emprise visuelle de quelques séquences et au-delà du plaisir ponctuel de surprendre au détour de jeux d’images quelques allusions intertextuelles, on reste déçu par ce film testamentaire.