
Brillant et
envoûtant film de Jordan Peele qui joue sur la thématique du monstre et oscille
entre les genres. Après plusieurs films intéressants mais plus sommaires, Peele
offre ici un film d’une toute autre ampleur et d’une très grande maturité.
Par moment
horrifique (mais Peele a déjà montré qu’il aimait glisser des séquences gore
dans ses films), le film lorgne d’abord du côté de Signes de Shyamalan, avant de partir dans une direction et une
complexité très différentes. Cet étrange alien – alien à la forme changeante et
que l’on ne peut regarder – pris d’abord pour un OVNI et qui est décrit ensuite
comme un prédateur défendant son territoire, entraîne le film sur la double thématique
de la verticalité et du regard.
Film sur le
regard – et donc sur la mise en scène –, Nope
joue sur l’impossibilité de regarder le monstre en face (avec de belles idées
scénaristiques), sujet relayé par le caméraman aux allures de Werner Herzog,
qui fixe le monstre de sa caméra avant de le regarder droit dans les yeux et
qui en sera puni. Il faut tout l’artifice final, avec les flashs de lumière
venus du fond du puits, pour saisir une image du monstre. Monstre détruit, dans
une ironie délicieuse, par ce cow-boy gonflable qui s’échappe au gré du vent.
Peele rajoute
intelligemment une étrangeté à son film, notamment par sa mise en scène très
ample par moment (avec des plans larges splendides pour embrasser la vallée et
l’offrir au monstre) entrecoupée des étonnantes séquences en flash-back du carnage
du chimpanzé, où la caméra joue sans cesse du hors-champ. La façon de filmer
le ranch de Otis comme une gigantesque arène dans laquelle il cherchera à dompter
le monstre est magnifique. Les structures gonflables qui permettent de détecter
le monstre résument parfaitement toute la dimension verticale du film (l’alternance
des gonflements/dégonflements annonçant l’avancée du monstre). Et, comme un
symbole de cette verticalité, on s’arrêtera sur l’étrange chausson taché de
sang qui, sur la scène de carnage du plateau télé, reste mystérieusement planté
tout droit, en équilibre.
Et Peele, comme
pour sceller le tout, offre un bel hommage à Muybridge, non seulement en le
reliant généalogiquement aux protagonistes, mais surtout au travers des photos
finales du monstre, idée géniale et parfaitement mise en scène.