mercredi 6 octobre 2021

Rocky 4 (Rocky IV de S. Stallone, 1985)

 



On a beau savoir que l’exploitation de filon ne donne jamais rien de bon, ce quatrième épisode mettant en scène Rocky Balboa – dont l’histoire cinématographique avait pourtant bien commencé est pathétique.
L’ami Rocky se trouve un nouvel adversaire, encore plus invincible : quand Clubber Lang, le méchant garçon du troisième opus, tuait son entraineur, ici, Ivan Drago, l’affreux venant de l’autre côté du rideau de fer, tue rien moins qu’Appollo Creed, son ancien adversaire… Cette entrée en matière résume beaucoup de choses : quand les requins des Dents de la mer successifs sont toujours plus gros, ici le méchant est toujours plus costaud.
Le reste du film n'apporte rien, aucune surprise, aucune perspective, bien loin de la conclusion remarquable du premier film (où  Rocky, rappelons-le, perd son match, mais gagne sa respectabilité). Pauvre Rocky, bien maltraité par son inspirateur et créateur : Sylvester Stallone, qui cumule ici scénario et réalisation (en plus d'incarner le personnage), s'il est un acteur massif et peu expressif est incommensurablement pire encore, en terme de lourdeur, comme réalisateur...
Mais, comme une fatalité, ce film – très mauvais et bien loin du premier épisode qui était réussi – est celui qui a le mieux marché au box-office, rapportant près de dix fois la mise de départ…


lundi 4 octobre 2021

Les Duellistes (The Duellists de R. Scott, 1977)

 



Ce premier film de Ridley Scott, s’il est pétri de qualités formelles, laisse un peu sur sa faim.
C’est dans son application à faire de chaque plan un tableau d’époque que l’on voit le travail de Ridley Scott, fortement influencé par Barry Lyndon (jusque dans les interventions d’un narrateur en voix off qui scande le film comme chez Kubrick). Le travail sur le cadre, les lumières, les positions des acteurs, tout cela est très travaillé et réussi. L’on sait que l’on retrouvera cette application dans d’autres films du réalisateur, application qui sera pour beaucoup dans ses réussites (dans Alien ou Blade Runner notamment).

En revanche l’affrontement en lui-même des deux personnages – affrontement répété pendant des années sur fond de guerres napoléoniennes – passionne peu : la faute sans doute à Armand d’Hubert (Keith Carradine) qui ne s’y soumet que contraint et forcé quand Féraud (Harvey Keitel) est beaucoup plus convaincant en chien fou toujours prêt à mordre. Ce jusqu’au-boutisme eut-il été partagé, il aurait sans doute eu cette puissance hors norme du duel, magnifié, jusqu’au-boutiste et sans raison (avec presque des accents cyraniens : « c’est beaucoup plus beau lorsque c’est inutile »).

Le duel comme conception de la vie, voilà qui aurait peut-être davantage passionné que la retenue de ce d’Hubert qui ne retourne devant son adversaire qu'obligé par un code d’honneur qui le coince. D’autant plus que le réalisateur nous met du côté de cette retenue et de cette volonté d’échapper au duel, tout en montrant Féraud comme le Mal qui revient toujours et ne s’arrête jamais. Comme s’il n’y avait, au fond, qu’un seul duelliste, contrairement à ce que nous dit le titre du film.

Pourtant, si l’on choisit un scénario très simple (or celui-ci l’est assurément), il faut sans doute mieux chercher une exaltation pour dépasser le morne déroulement, quelque chose que le spectateur ne peut pas bien saisir (battre l’autre en duel, une affaire d’honneur désuète mais puissante, quelque chose qui prend aux tripes et court tout au long d’une vie).

Chose d’ailleurs qui semble bien avoir été plus vraie dans la réalité, puisque les deux sires dont s’est inspirée l’histoire se sont affrontés plus de vingt fois et ont édicté un code de duel entre eux, à toujours respecter. Un code juste pour leur monstrueux affrontement, jusqu’à ce que mort s’en suive, sans échappatoire, sans bonne raison. Quelque chose que le film affadit en voulant faire du héros un être raisonnable.

 

vendredi 1 octobre 2021

Le Prisonnier d'Alcatraz (Birdman of Alcatraz de J. Frankenheimer, 1962)

 



Avec Le Prisonnier d’Alcatraz, John Frankenheimer expose une idée importante qui prend tout son sens dans l’œuvre même du cinéaste. Il faut dire que l’essentiel de Frankenheimer est dans ses films de jeunesse où il a beaucoup à dire, et, ensuite, rattrapé par Hollywood, il ne dira plus grand-chose.
De Seconds aux Gypsy Moths, Frankenheimer traque des personnages qui ne sont pas bien dans leur peau, qui se cherchent, qui s’effondrent sous le quotidien ou la banalité. Et, pour en sortir, les solutions proposées sont toujours radicales. Ici, tout au contraire, et alors qu’il est enfermé dans une cellule à l’isolement, Robert Stroud accepte sa condition : il ne cherche pas à s’évader, il fait avec ce qu’il a (les oiseaux), passant des mois à construire sobrement une cage, avec cette dilatation particulière du temps en prison. Pas de révolte, pas de frustration, mais une concentration sur ce que son univers (les quelques mètres carrés de sa prison) lui propose.


On retrouve un peu le même système de monomanie que le personnage du Joueur d'échecs de Zweig, contraint lui aussi de se concentré infiniment sur un sujet précis pour survivre. On retrouvera le même cheminement (avec la même acceptation du destin) chez le professeur prisonnier de La Femme des sables de Teshigahara.
Stroud, condamné, proscrit, donne donc une leçon de sagesse dont feraient bien de s’inspirer plusieurs des personnages des films suivants de Frankenheimer. Celui-ci propose donc, dès ses premiers films, un tout cohérent avec plusieurs films qui entrent en résonance.


 

mercredi 29 septembre 2021

Désiré (S. Guitry, 1937)





Délicieux film de Sacha Guitry, toujours très théâtral, mais dont le jeu si particulier fait merveille alors qu’il est, pour une fois, de l’autre côté du monde, accompagnant non plus les maîtres mais bien les domestiques. Cela dit Guitry, fort de sa virtuosité habituelle, entremêle les intrigues des uns et des autres et l’ensemble est d’une harmonie simple et facile qui montre l’aisance narrative de Guitry.
Jaqueline Delubac, si souvent  partenaire de Guitry, est parfaite et son rapport à Désiré, tout empreint de subtilité et de complexité, fonctionne à plein.

Il y a même un soupçon de masochisme dans l’attitude exquise du personnage – attitude qui va au-delà de l’obséquiosité –, puisqu’il n’aspire qu’à obéir et à être commandé.



Tout le style de Sacha Guitry, avec son raffinement, sa préciosité guindée, sa courtoisie, son phrasé inimitable, sa séduction et son rapport à autrui sont dans ce Désiré magnifique.



lundi 27 septembre 2021

La Bande des quatre (J. Rivette, 1988)

 


Toujours très axé sur le théâtre, Jacques Rivette propose ici un regard original sur un groupe d’amies qui fonctionne en fait comme une mini-troupe de théâtre.
Mais, au-delà des moments de répétitions et des réflexions sur le théâtre lui-même (avec Bulle Ogier en mentor), c’est le fonctionnement de ce groupe de filles qui intéresse le réalisateur : on suit leurs interactions, leurs manières d’être, l’approfondissement de leurs relations, dans cet univers sans hommes et où ceux-ci, même, sont des intrus. Cela dit deux hommes sont présents ou évoqués : l’évadé que l’on ne voit pas – et autour duquel tourne l’intrigue – et le manipulateur (Benoît Régent) dont on ne saura jamais ni vraiment qui il est ni son degré de sincérité. Rivette s’ingénie alors à créer un jeu de pistes assez réussi avec les vies de chacune de ces quatre-là – jouant de leur passé qui vient s’immiscer dans le présent – entre les cours d’art dramatique et la maison de banlieue qui les réunit.




samedi 25 septembre 2021

Un principe fondamental d'Alfred Hitchcock


Alfred Hitchcock dit parfaitement, en une phrase, combien le cinéma est un art de l'image : « Tout ce qui est dit et non montré est perdu pour le spectateur ».
Ce faisant il rappelle que le cinéma a atteint deux moments de perfection consécutifs : un premier lié au cinéma muet puis un second, ensuite, dans le cinéma parlant. Et, même si le cinéma parlant a livré bien des chefs-d'œuvre, dont certains avec des dialogues brillants, une voix off hypnotique, des monologues happants, etc., s'exprimer sans parole reste un aboutissement dans l'art cinématographique.



vendredi 24 septembre 2021

D'Homme à hommes (Christian-Jaque, 1948)

 



Dans cette mise en image de la vie de Henry Dunant, Christian-Jaque reste très conventionnel, s’appliquant à retracer quelques grands moments de la vie du personnage. On retiendra quelques belles scènes de batailles, auxquelles s’opposent des scènes de salon assez classiques. Mais, malgré une interprétation pleine d’énergie de Jean-Louis Barrault (bien secondé par Bernard Blier) et au-delà de l’illustration d’une période finalement assez peu représentée à l’écran (la seconde moitié du XIXème siècle), le film n’est guère passionnant. Pour peu que l’on connaisse le personnage on sait bien la fin de l’histoire et, comme Christian-Jaque ne cherche guère plus qu’à raconter la vie de Dunant, on peine à voir davantage qu’une version imagée d’une biographie, ce qui, pour un film, finalement, est bien peu.



mardi 21 septembre 2021

Le Magnifique (P. De Broca, 1973)

 



Dans ce film populaire de Philippe de Broca, Bebel s’en donne à cœur joie, profitant de la caution d’un scénario amusant et habile pour cabotiner à tout va. Il faut dire que mettre ainsi en résonance la vie minable de l’écrivain avec le héros exubérant qu’il fait vivre est très bien vu, et l’on sourit des apparitions du patron insupportable ou des ouvriers enquiquineurs qui subissent dans la fiction la réparation des outrages qu’ils font subir au pauvre écrivain. On sourit aussi, bien sûr, de l’apparition de la jolie voisine qui devient femme fatale.
C’est ainsi que Philippe de Broca s’amuse à pasticher James Bond et, avec lui, en une jolie mise en abyme, tout ce que Belmondo a pu jouer de rôle de héros d’action vainqueurs avec le sourire. Les récents OSS 117, organisés autour de Jean Dujardin, citeront tant et plus ce Magnifique qui rappelle les grandes heures de Bebel.

Si l’on sourit et si l’on s’amuse, le film, malheureusement, de pastiche en pastiche et d’exagération en exagération, lasse quelque peu dès lors que l’on a compris le ressort principal du film. Mais enfin Bebel reste Bebel, avec sa dérision, son sourire et son charisme indéniable.  



lundi 20 septembre 2021

Regards et Sourires (Looks and Smiles de K. Loach, 1981)

 



Looks and Smiles, que l’on peut aujourd’hui voir avec le recul des cinquante années de carrière de Ken Loach, est une belle réussite et apparait très typique des premières années du réalisateur dans ses thèmes et dans sa manière de filmer.
Il filme avec réalisme mais en s’attachant à ses personnages, il les peint avec précision et empathie, reste sincère avec eux, sans sombrer dans le misérabilisme.
Bien sûr on connaît les thèmes de Loach, qui, film après film, dénonce la misère sociale, mais, dans ses premières réalisations, il est plus efficace puisqu’il se garde de tordre ses personnages au service de ses idées. Ce sont Billy et son faucon qui comptent avant tout dans Kes, Janice laminée par ses parents dans Family Life, ici c’est l’histoire un peu bancale de Mick et Karen, leurs maladresses et leur naïveté qui sont le cœur du film. Le creuset social, les difficultés du chômage, la vie qui leur cogne dessus, cela passe au second plan. C’est là une force du film, que Loach aura tendance à oublier parfois, quand ses personnages représenteront l’Angleterre écrasée par la misère ou par le chômage. Alors, quand le personnage n’est plus qu’un passe-plat, la force du film manque et celui-ci devient un manifeste.