samedi 12 novembre 2022

L'Exorciste 2 : L'Hérétique (Exorcist II: The Heretic de J. Boorman, 1977)

 



Il eût été inconcevable pour la machinerie hollywoodienne de constater l’énorme succès de L’Exorciste sans chercher à en tirer encore quelques profits. Voilà qui est fait avec ce deuxième opus, par moment assez curieux malgré de gros défauts qui le rendent bien frustrant.
C’est que si John Boorman, comme bien souvent, cherche à insuffler un souffle et un arrière-plan supplémentaire à ses histoires (ici il est question de sorcellerie africaine), il en vient à se désintéresser de certains aspects de l’histoire ou de certains personnages, ce qui gâche l’ensemble du film.  Ici le personnage du docteur Tuskin (Louise Fletcher) est bâclée et le joujou télépathique est ridicule et kitsch (pourquoi n’avoir pas simplement parlé d’hypnose ?).

C’est bien dommage tant on sent qu’il y avait moyen de proposer un film pas trop hollywoodien et doté d’une forte personnalité. Mais l’ensemble, finalement, est bien décevant.

 




jeudi 10 novembre 2022

La Bataille de Midway (Midway de J. Smight, 1976)

 



Grosse production ambitieuse, spectaculaire et à la facture très classique, La Bataille de Midway entreprend de raconter, de façon directe et simple mais assez efficace, la décisive bataille qui eut lieu dans le Pacifique Nord.
On se réjouit de la distribution, même si le personnage purement fictif campé par Charlton Heston apporte peu. Mais il est sacrifié à la fin, symbolisant par là le sacrifice qu’imposa la bataille.
Hollywood est même allé chercher la star Toshiro Mifune pour jouer – tout en retenue, ce qui montre que Mifune en est capable ! – un Yamamoto que le film cherche à sauver. C’est qu’il faut bien remarquer que, une fois n’est pas coutume, les japonais ne sont pas ridiculisés mais ils apparaissent comme des adversaires valeureux : certes leur stratégie échoue mais rien n’est acquis et la bataille est incertaine. Bien sûr quelques officiers japonais jouent le rôle de va-t-en-guerre orgueilleux qui se réjouissent trop tôt, mais Yamamoto est montré comme un sage qui doute et, même, les pilotes japonais ne sont pas montrés comme des diables hurlants. Le film intègre beaucoup d’images d’archives – en particulier des combats aériens – qui cherchent à apporter une touche de réalisme au film.
On remarquera que si le récent Midway de R. Emmerich manque terriblement de charme avec sa réalisation impersonnelle et sans saveur – on préfère nettement le film de Jack Smight –, en revanche il utilise parfaitement les effets spéciaux modernes qui rendent les combats beaucoup plus spectaculaires. Smight doit lui se contenter de jeux de montages, de cuts, d’inserts d’images d’archives, d’explosions vues sous plusieurs angles. Mais il a beau faire ce qu’il peut, en ce qui concerne le rendu de la bataille aéronavale, le film d’Emmerich reste beaucoup plus spectaculaire.




mardi 8 novembre 2022

L'Héritage de la chair (Pinky de E. Kazan, 1949)





Après l’antisémitisme de son intéressant Mur invisible (intéressant mais assez convenu cinématographiquement), Elia Kazan aborde ici de façon très frontale la ségrégation raciale.
Le film ne manque pas de courage en abordant un thème difficile, celui du passing, où une Noire cherche à se faire passer pour une Blanche pour éviter la ségrégation et forcer son destin. C’est mettre le doigt sur le métissage, peur fondamentale des Blancs du Sud pendant la ségrégation. C’est un passing réussi semble-t-il : Pinky est diplômée et, surtout, elle est intégrée dans le monde des Blancs dont elle a l’éducation. Le retour dans la maison natale n’en sera que plus violent.

Le film cède aux canons de la représentation du Sud, à travers une iconographie assez typique, avec ses maisons défraichies et abandonnées (ce qui annonce Mandingo) ou les ruelles proches des marais. Et la grand-mère blanchisseuse doit beaucoup à la Mamma de Autant en emporte le vent. L’heure n’est pas encore venue de rompre avec les représentations hollywoodiennes.


Mais le film montre bien le racisme ordinaire qui pousse Pinky, tout au long du film, à renier sa « race » pour se tourner vers une vie meilleure. Et c’est la grand-mère de Pinky qui la relie à son ascendance et l’empêche de fuir. Et ce sera, en fin de film, une prise de conscience venant de Miss Em qui, paradoxalement – elle est blanche et acariâtre – la décidera finalement à rester et à se battre.
On notera que si Thomas – le fiancé blanc – est prêt à emmener Pinky même après qu’il apprend qu’elle est en réalité Noire, c’est à la condition que la société ignore la réalité : le regard des autres semble plus fort que l’amour… Mais Pinky décide d’être en accord avec elle-même et de ne pas vivre cachée.

On regrette une fin certes optimiste mais du coup trop hollywoodienne. Mais, alors que les lois mettant fin à la ségrégation mettront encore bien des années à arriver, cette fin a une allure de manifeste empli d’espoir.

Et, avant L’Esclave libre ou Le Mirage de la vie, Hollywood commence à regarder la ségrégation et le racisme les yeux dans les yeux. Le moment Mandingo, lentement, approche.

 

vendredi 4 novembre 2022

Rue de l'Estrapade (J. Becker, 1953)

 



Si Rue de l’Estrapade est un film décevant, il permet en revanche de s’interroger sur la curieuse alchimie qui préside à la réussite ou non d’un film.
En effet, avec une équipe technique similaire, avec une distribution proche (Daniel Gélin, Anne Vernon), avec des histoires qui procèdent de la même humeur – celle de la chronique de mœurs qui cherche à saisir un moment de vie à la fois touchant mais sans être dramatique – Jacques Becker parvient à trouver l’équilibre
(avec Édouard et Caroline et, plus encore, dans Rendez-vous de juillet) et il est alors fluide, sans accroc, élégant et juste. Mais il peut aussi, au contraire – et c’est le cas, malheureusement, dans Rue de l’Estrapade – tomber à plat et s’essouffler, rester sans élan, sans que l’on croit aux personnages ou aux situations.
La faute peut-être à Louis Jourdain qui cabotine beaucoup trop. Ou à Daniel Gélin, lui d’ordinaire si juste, qui n’est pas à sa place. Mais son personnage est encombrant : la cour qu’il fait à Françoise n’est pas crédible et tourne à vide. Il y a donc les acteurs mais aussi les ressorts du scénario qui rendent un peu bancal ce film.

Rue de l’Estrapade, alors, permet de mieux se rendre compte, si besoin était, de l’extraordinaire réussite d’Édouard et Caroline et de Rendez-vous de juillet dont le rythme, l’équilibre et les personnages réjouissent continuellement.


mercredi 2 novembre 2022

Cash (Besnard E, 2008)

 



Dans une ambiance qui se veut décontractée et qui multiplie chausse-trappes et faux-semblants, Eric Besnard réalise une variation d’Ocean’s Eleven à la française. S’appuyant sur un gros casting, jouant de multiples rebondissements, très américain dans sa forme, on est dans le déroulement d’une grosse arnaque, qui, en fait, est une arnaque dans une arnaque dans une arnaque (pour faire simple).
Si tout cela se veut très sympathique, c’est assez lassant et la fin tombe un peu à plat. Finalement on préfèrera nettement retourner chez Soderbergh pour retrouver la bande à Clooney.


lundi 31 octobre 2022

Glory (E. Zwick, 1989)





S’appuyant sur un fait historique (un régiment de Noirs (afro-américains) mis en place dans les rangs nordistes durant la guerre de Sécession), le film, sans être ennuyeux, apporte peu. Il se veut appliqué, relatant les problèmes rencontrés par le bataillon jusque dans ses détails. Le sacrifice final, pourtant traité rapidement, donne une coloration hagiographique que n’avait pas jusqu’alors le film qui cherchait à échapper au manichéisme.

Il faut noter que
Glory fait partie des films qui mettent sur le devant de la scène le sujet des Noirs (Afro-américains) au cinéma, et il sera suivi de nombreux autres sur ce sujet, films qui s’appuient, comme ici, sur un événement historique précis (par exemple Free State of Jones, The Birth of a Nation, etc.) ou bien sur un cas particulier (Amistad, Django Unchained, Twelve Years a slave, etc.). Mais, au-delà de la représentation du sujet à l’écran (avec la libération de la parole inhérente), ces films apportent en général peu au sujet abordé, Hollywood ayant réglé l'essentiel de ses comptes avec le sujet – et avec quelle puissance ! – depuis Mandingo.


 

vendredi 28 octobre 2022

De nouveaux hommes sont nés (Proibito rubare de L. Comencini, 1948)





Premier film de Luigi Comencini qui, dans la lignée du néoréalisme, nous emmène dans les bas-fonds de Naples. Mais on sent bien que Comencini s’éloigne déjà de De Sica ou de Rosselini et qu'à filmer la rue, il ne convainc guère. Et la tentation de la comédie, sans le dire, est déjà là.
Dès lors, De nouveaux hommes sont nés manque un peu son but en restant au milieu du gué : il ne saisit pas le réalisme (il reste simplement descriptif et il n’en a pas l’humeur) et il n’ose aller trop vers la comédie.
Le film reste dans un entre-deux que Comencini travaillera bientôt en osant davantage de décontraction (le néoréalisme rose de Pain, Amour et Fantaisie) avant de s’exprimer le mieux dans la comédie italienne pure qui, paradoxalement lui permettra de tracer des portraits beaucoup pertinents, que ce soit en peignant la pauvreté (L’Argent de la vieille, etc.) ou bien le drame familial (L’Incompris). Autant de films aux humeurs différentes mais plus convaincants que cette déambulation un peu naïve du père Don Pietro dans les rues de Naples.

 



jeudi 27 octobre 2022

I Feel Good (G. Kervern et B. Delépine, 2018)





Portrait drolatique et pitoyable d’un raté, I Feel Good suit d’un regard mi-amusé mi-navré les tentatives de Jacques Pora pour emmener au bout l’une de ses idées invraisemblables. Il faut dire que l’ambition d’être riche – qui apparaît ici comme la substance chimiquement pure de l’ambition dans la société moderne – est un puissant moteur qui le fait repartir sans cesse, incapable qu’il est de se rendre compte de ses incapacités. Le film joue à plein du contraste avec sa sœur, pragmatique, humble et consciente d’elle-même.

On apprécie qu’une star comme Jean Dujardin se mette dans la peau d’un tel hurluberlu, même si, il faut dire, ce Jacques Pora a beaucoup à voir avec nombre de personnage joués par l’acteur, personnages qui sont souvent gonflés d’égo et de suffisance mais très creux. Ici le vide du personnage éclate au grand jour.

L’idée de chirurgie esthétique est très bonne et Gustave Kervern et Benoît Delépine emmènent très loin leur situation, dans un final à la fois drôle et pitoyable.

Cela dit, situé dans le microcosme d’une communauté Emmaüs, on a du mal à voir dans I Feel Good une satire de l’ensemble de la société tant, dans cette communauté, il n’y a que Jacques qui ne jure que par l’ambition folle de la réussite, alors que tous les autres, autour, savent très bien ce qu’il en est de leur vie et apparaissent épargnés par les maux violents qui traversent le monde (l'ambition, la recherche de la richesse, le culte de l’apparence, etc.).