Gilles Deleuze (dans L’Image-mouvement et L’Image-temps, 1983 et 1985) détaille une classification des images, construite un peu comme un naturaliste qui décrit et classe les êtres vivants.
L’environnement exerce sur nos récepteurs sensoriels (œil, oreille, etc.) des stimulations. Les récepteurs envoient alors, via des nerfs, des messages – des messages sensitifs – jusqu’à des zones précises du cerveau qui vont interpréter ces messages. Le cerveau va alors envoyer d’autres messages – des messages moteurs – via d’autres nerfs, pour ordonner tel ou tel mouvement musculaire. C’est ce qui se passe par exemple lorsque le feu passe au rouge et que, quelques millisecondes plus tard, le conducteur appuie sur la pédale de frein. La situation (passage du feu au rouge) provoque une réaction de la part du conducteur. C’est le schéma sensori-moteur classique.
Le mot « action » employé dans cette formule correspond à la réaction en biologie et peut signifier ou bien une action effective de la part des personnages, ou bien des émotions ou encore des pulsions. Le temps du film – sa durée – est donc occupé à suivre une succession d’actions ou d’émotions engendrées par la situation proposée par le film. Et la situation du début du film apparaîtra modifiée en fin de film.
L’image-temps :
Ici les personnages se trouvent condamnés à l'errance ou à la balade (on pense à la fameuse réplique « Je sais pas quoi faire » dans Pierrot le fou), ce sont les temps morts de la banalité quotidienne chez Antonioni (comme dans L’Éclipse) ou les images fixes d’Ozu, qui sont autant de natures mortes.
Chacun de ces deux types de film se caractérise par des images particulières. Et pour parvenir, au sein d’un film, à distinguer ces différentes images, Deleuze s’appuie sur de nombreux signes visuels, qui permettent de les reconnaître. Et, comme l’idée de Deleuze est de classifier tout cela, il a mis des noms sur les choses et il distingue donc 16 signes différents qu’il décrit patiemment (le dicisigne, le reume, l’engramme, le synsigne, le binôme, l’indice, le vecteur, l’empreinte, l’icône, le qualisigne, le fétiche, le symptôme, la figure, la marque, la démarque et le symbole).