
Incroyable film de Masaki Kobayashi,
d’une durée invraisemblable (trois parties qui totalisent plus de neuf heures
de projection), mais qui lui permet de dérouler une fresque immense, entrainant
son héro Kaji, porteur d’une humanité, d’un espoir et d’une vitalité immenses,
au travers des mille affres de la vie. Et, sans complaisance, Kobayashi regarde
l’humanité et l’inhumanité droit dans les yeux tout au long du film.
Démarrant sur des thèmes très
originaux, le film s’enrichit sans cesse, à mesure que Kaji, entrainé par son
destin, rencontre des supérieurs tantôt tyranniques et cruels tantôt
compréhensifs, des compagnons d’infortunes bornés et violents ou bien humains
et emplis de bonne volonté. Réceptacle de l’humanité du réalisateur, traversant
la guerre comme un chemin de croix, Kaji personnifie l’homme confronté à une
société violente et à la guerre.
En ligne directe de Kurosawa, Kobayashi
film avec lyrisme et emphase, donnant une impulsion forte à des images parfois
très crues, construisant des séquences magnifiques et vibrantes.

Et Kaji, marqué
par les coups qu’il reçoit, par les expériences qu’il traverse, par les
illusions puis les désillusions, tantôt plein de foi en son prochain, tantôt
plein de colère, porté par un espoir fou et par son amour pour Michiko, écrasé
par la cruauté du Japon, rassemblant autour de lui tous les espoirs de ses
camarades, prophète maudit (il y a du Job dans le personnage sur lequel le
destin s’acharne), achève sa quête de façon poignante, à la fois très sombre
mais philosophiquement très belle.

Tatsuya Nakadai fait une
composition exceptionnelle (mais l’on sait le très grand talent de l’acteur),
donnant une humanité extraordinaire à ce personnage, qui apparait d’abord porté
par des idéaux presque naïfs, reste toujours digne et inflexible, puis
s’endurcit et réagit comme il peu à la violence du monde.